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La justice coloniale en Guadeloupe

jeudi 27 décembre 2012, par Journal de la Corse

Régine Delphin, une jeune syndicaliste guadeloupéenne de l’UGTG a comparu le 13 décembre devant le tribunal de Fort de France pour « provocation à la discrimination et à la haine raciale ». Elle aurait tenu en créole, lors d’un meeting, en avril 2009, peu de temps après la grève générale en Guadeloupe et en Martinique contre la « profitation » des propos jugés "racistes" par le procureur de la République. C’est la quatrième fois que cette déléguée syndicale de la Sodimat, propriété d’une grande famille héritière de colons européens, est citée devant la justice pour publiquement dénoncé le système de domination des békés de Guadeloupe.

Une langue qui ne plaît pas au tribunal

Régine Delphin, a été condamnée le 25 mars 2010 par le tribunal de Pointe à Pitre à 8000 euros d’amende et un mois de prison avec sursis sur la base d’une traduction de ses propos tenus en créole par un huissier qui n’était ni interprète, ni créolophone. Le 14 septembre 2010, elle passe en appel. Elle s’exprime en créole « Vous ne me faites pas peur », lance le président du tribunal à la salle, où des militants de l’UGTG sont venus la soutenir puis se tournant vers Régine Delphin : « Dans mon tribunal, on parle français ». La salle est aussitôt évacuée par la gendarmerie ce qui met fin au procès. C’est donc par un arrêt daté du 9 novembre 2010 que la cour d’appel confirme le jugement prononcé en première instance sans même avoir entendu les témoins ou un interprète. Régine Delphin se pourvoit alors en cassation et elle gagne. Le 20 septembre 2012, nouvelle audience à Fort de France devant la Cour d’appel qui avait refusé de tenir le procès. Un interprète officiel traduit alors les propos incriminés et prononcés en créole. "Rien de méprisant, d’insultant", conclut l’interprète. "L’affaire aurait pu s’arrêter là. C’était sans compter sur l’obstination du tribunal à s’opposer à un non-lieu. Car une jeune syndicaliste noire qui s’affronte à un puisant béké, ce n’est pas d’ans l’ordre des choses admissibles. Le tribunal, insatisfait de la traduction, désigne un nouvel expert en créole guadeloupéen cette fois !, pour une nouvelle audience, ce 13 décembre toujours pour incitation à la haine raciale. Symptomatique du climat qui règne en Guadeloupe et en Martinique depuis la grève de 2009."

Une dénonciation du colonialisme

Le secrétaire général de l’UGTG, E. Domota a écrit à M. Taubira Garde des Sceaux pour attirer son attention sur le mépris affiché par les magistrats pour la langue créole et la répression qui frappe les militants syndicalistes de l’UGTG, tous noirs de peau. " Dans les faits, les engagements pris par le Gouvernement Français pour la sauvegarde et la promotion du créole, en matière d’enseignement, de justice, de vie économique et sociale, d’activités et équipements culturels notamment, ne sont pas tenus. Le pourraient-ils simplement lorsque les événements de la Cour d’Appel sur la langue viennent nous révéler la force de l’idéologie coloniale, qui véhicule encore la hiérarchie entre les langues et les cultures ? Il en va ainsi dans les Colonies. Pour finir, nous n’attendons pas de réponse mais tenons à vous informer que nous poursuivons notre lutte pour la reconnaissance et le respect de notre langue, de notre culture et de notre identité et continuerons à nous exprimer en Créole dans vos tribunaux poursuivant ainsi notre combat contre l’injustice, le racisme, le mépris et la pwofitasyon."

Une répression raciste

« L’acharnement contre Régine Delphin, c’est la poursuite des représailles contre un mouvement qui a osé dénoncer l’ordre colonial qui règne aux Antilles, explique Elie Domota, secrétaire général de l’UGTG et porte-parole du LKP. Au 17e siècle, on était pendus, aujourd’hui, les tribunaux nous condamnent, mais c’est le même état d’esprit. » Selon lui, pas moins de 80 syndicalistes ont été poursuivis par la justice pour motifs divers : vol de matériel, entraves à la liberté du travail, entrave à la liberté de la circulation, refus de prélèvement ADN… Un record absolu et un constat : cette répression syndicale féroce a une couleur, car tous les syndicalistes poursuivis sont noirs.

GXC

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