Comment réaliser 702.282 bulletins documents de format A4 (475.391 bulletins de vote et 226.891 professions de foi) destinés aux électeurs pour une seule liste en une nuit, tel est le casse-tête auquel seront confrontés les imprimeurs insulaires lors des prochaines échéances électorales. Par la voix de Dominique Sammarcelli, président du syndicat de Corse, ils renouvellent, à l’heure où semble se dessiner une nouvelle composition administrative, leur inquiétude concernant la réalisation des documents électoraux de l’Assemblée de Corse.
Lors d’une élection, le premier tour de scrutin se présente sans difficulté majeure. Les listes sont officialisées suffisamment tôt pour que le dépôt règlementaire des imprimés se fasse avec soin. Le second tour, en revanche, pose un gros problème. Passé le vote du 1er tour, les listes, recomposées les deux jours suivants, ne sont officialisées que le mardi 21 h après vérification et validation par les services préfectoraux. Les imprimeurs disposent donc d’un délai restreint pour assurer, dans les délais, l’impression et la livraison des bulletins de vote. Une situation qui suscite une vive inquiétude. Le point, dans quatre domaines, avec Dominique Sammarcelli, président du syndicat des imprimeurs corses.
L’approvisionnement en papier :
« Les imprimeries du continent assurent une livraison en 24 h mais, en l’absence de dépôt de papier sur le territoire corse, il faudra compter une semaine pour l’imprimeur insulaire. Il doit, par ailleurs, se doter d’une quantité de papier nécessaire à la fabrication des documents électoraux concernant la liste recomposée servie au premier tour, mais sans être assuré que le choix se portera sur lui. Ce risque posant un problème majeur : faut-il faire venir du continent plusieurs tonnes d’un papier qui ne sera plus commercialisable une fois l’élection passée ? »
L’organisation du travail :
« Pour répondre, au mieux, à des délais et quantités aussi contraignants, l’entreprise doit pratiquer une répartition du travail organisée en 3/8. Or, aucune imprimerie insulaire n’est assujettie à ce régime. »
Les presses à papier :
« les quantités et délais de fabrication engendrent une cadence de fabrication qui n’est plus du ressort exclusif des presses feuille à feuille. En revanche, la presse rotative, dotée d’un débit incomparable et d’un massicot en sortie d’impression, apparaît comme la presse idoine. Or il n’existe aucune imprimerie de labeur en Corse disposant de ce genre de matériel. »
La livraison :
« L’État a multiplié, selon ses convenances, les points de livraison en les disséminant dans ses sous-préfectures départementales réduisant cette fameuse nuit à quelques heures de fabrication s’étendant de 21 h à 4 h, heure où doit commencer le transport des documents au lieu le plus éloigné du site de production. Face à un travail aux caractéristiques si précises et ponctuelles, l’assurance de l’acheminement des palettes en temps et lieu prescrits par le code électoral ne peut relever que de l’imprimerie concernée. Celle-ci se met alors en quête de louer des camions, avec l’espérance de leur disponibilité le jour voulu, qui puisse répondre à la fois à la possibilité d’être conduits par une personne détentrice du seul permis B et aux exigences de l’État, c’est-à-dire munis de hayons élévateurs permettant la facilitation du déchargement. »
Dans l’hypothèse d’une impossibilité insulaire, la confection des bulletins de vote et des professions de foi dans la nuit en cours devrait se faire en terre continentale. Avec des conséquences : Pour chaque tête de liste, la nécessité de confier le convoiement des palettes de ses documents à une liaison aéronautique sans avoir la certitude qu’elle soit adaptée aux horaires de livraison (le mercredi à midi, les documents doivent être simultanément disponibles à Aiacciu, U Borgu, Corti et Calvi). Pour la préfecture de région, la réquisition d’avions cargos et la constitution d’un corps de fonctionnaires susceptible de trier spontanément la multitude des palettes à répartir sur l’ensemble du territoire et prendre la route dans l’instant suivant. Une organisation pour l’heure inconnue de la fonction publique et qui s’avèrera coûteuse pour l’État.
« L’exercice de son métier investit l’imprimeur corse d’une responsabilité sans pareil, assure Dominique Sammarcelli, il s’agit d’accepter de servir, avec ses moyens limités qui l’exposent à l’échec et à l’opprobre ou se résoudre à renoncer, attitude contraire à son éthique et à son activité commerciale traditionnelle. Cette alternative et ces situations sont uniques en France. » Le syndicat a tenté, pour l’heure, en vain, d’alerter les élus territoriaux et leur relais administratifs. « À situation exceptionnelle, solution exceptionnelle, reprend le président du syndicat des imprimeurs de Corse, le second tour de scrutin de l’Assemblée de Corse doit être porté à deux semaines après le premier tour. Aucun empêchement constitutionnel ne peut lui être opposé, un précédent étant déjà en exercice : l’élection du président de la République… c’est dire si la disposition reste démocratique. » Affaire à suivre…
Ph.P.