On pourrait appliquer à l’histoire des hommes le principe de la thermodynamique édicté par Lavoisier : rien ne se perd, tout se transforme. Jamais les mutations de l’humanité n’ont été aussi rapides et n’ont autant révélé la longue marche des peuples vers un destin dicté depuis des siècles voire des millénaires.
L’accord de Bruxelles
Ne nous leurrons pas : l’accord de Bruxelles n’est qu’un accord de façade, même s’il apparaît comme la solution du moment à la crise européenne. Il fallait sauver l’euro et on ne pouvait, une fois encore, exiger des contribuables qu’ils paient les incuries d’un système bancaire privé avide lorsqu’il s’agit de prendre nos économies et soudain ardemment collectiviste lorsqu’il s’agit de demander aux états de payer leurs erreurs. Les banques vont donc faire un trait sur la moitié de la dette grecque ce qui ne résoudra strictement rien pour la simple et bonne raison est que la Grèce ne produit pas de marchandises qui pourraient lui rapporter des fonds propres. Un fonds d’amortissement de 1000 milliards d’euros a été créé en grande partie financé par une Allemagne qui aimerait bien suivre son offensive économique vers l’Est et recrée une sorte de Reich comprenant à la fois l’ancien empire austro-hongrois et les possessions de la Prusse. Ce fonds est à la fois gigantesque (il sera financé avec notre argent) et dérisoire à la fois. Sa seule fonction est de calmer les craintes des marchés financiers et de nous offrir un répit. Pourtant il existe une cruelle vérité : l’Europe telle qu’elle a été bâtie ne possède aucune unité spirituelle. Elle est un entassement de pays aux économies variées destinée à créer des zones de faible valeur dans lesquelles les patrons peuvent trouver une main-d’œuvre bon marché et espérer un marché de consommateurs d’ici un demi-siècle. C’est tout. Cela ne tiendra donc pas. L’Europe germanique poursuivra son attraction orientale et l’Europe méditerranéenne devra se trouver une manière de fonctionner qui ne s’appuie pas uniquement sur le clientélisme et la débrouille.
Le monde arabe en ébullition
Il fallait méconnaître la situation du monde arabe pour ignorer la prégnance islamique au sein de ces peuples longtemps maintenus silencieux par des dictateurs peu ou prou soutenus par les régimes occidentaux et anglo-saxons. Le monde arabe connaît l’une des plus fortes poussées démographique du monde ainsi qu’une inégalité sociale majeure. La religion apparaît donc à la fois comme un refuge idéel mais aussi idéologique. Le vote islamiste est l’expression d’un nationalisme blessé tout comme l’est la montée de l’extrême-droite populiste en Europe. La chute du mur de Berlin a provoqué la fin du rêve égalitariste. Les « nantis » d’hier pleurent ce qui a été perdu et les exploités rêvent d’acquérir un certain confort. Est-il tout simplement concevable qu’un pour cent de la planète continue de posséder 40 % des richesses mondiales ? Le monde arabe est en plein éveil. Mais ses aspirations ne seront pas les nôtres. Nous devons nous y faire et composer faute de quoi nous vivrons dans nos citadelles assiégées elle-même productrices d’inégalités de plus en plus importantes. Le réflexe du repli sur soi est la pire réponse que nous puissions apporter aux mutations du monde. Le maître mot des décennies à venir sera le partage. Nous qui avons bâti nos sociétés sur l’exploitation des mondes colonisés nous allons devoir apprendre à partager. Les puissants de nos propres sociétés qui se sont enrichis sur le dos des travailleurs vont devoir partager s’ils ne veulent pas affronter la colère de leurs propres concitoyens. Et c’est bien là une des craintes les plus grandes des dirigeants politiques occidentaux que de voir la crise économique doublée d’une véritable crise sociale. Car en Occident, le recours de la religion serait inefficace et, faute d’une gauche radicale, il ne resterait plus que la proposition d’extrême-droite et le retour à un nationalisme virulent. Les peuples, comme les fleuves, possèdent leurs lits, celui de leur destin, pour le meilleur et pour le pire. Les idéologies parviennent parfois à les dévier. Mais ils y reviennent toujours. L’Europe méditerranéenne doit retrouver sa voie comme l’Europe germanique le fait en ce moment même. C’est l’unique possibilité pour juguler la crise d’une Europe qui n’existe que dans l’esprit des technocrates et des financiers.
GXC