La tragi-comédie du référendum grec, mort avant même d’avoir vu le jour, a jeté le trouble dans l’économie mondiale. Cette fausse annonce pourrait bien masquer un effondrement des démocraties et mettre la lumière sur les risques de coup d’état qui grandissent dans les pays dotés d’états faibles. Car référendum ou pas : rien n’est réglé et le tsunami financier continue de provoquer des dégâts incommensurables dans les rangs des plus démunis.
Un référendum catastrophe
Angela Merkel et Nicolas Sarkozy possèdent la grossièreté et la morgue des puissants. Ils ont ainsi fait attendre Georges Papandreou, premier ministre grec, deux heures dans une antichambre tandis qu’eux discutaient de l’avenir de l’Europe et de celui de la Grèce. Nicolas Sarkozy a multiplié les déclarations invitant les Grecs à travailler plus comme ceux-ci n’étaient qu’un ramassis de parasites paresseux. C’est d’abord prendre le risque de réveiller le nationalisme chatouilleux des Grecs. Et puis voilà qui nous rappelle le regard que bon nombre de politiques continentaux posent sur nous. Sous de tels jugements aussitôt répercutés par le concert de courtisans perce le vieux racisme des gens du Nord contre ceux Sud. Parions que Silvio Berlusconi, qui vacille au bord de la roche tarpéienne sera, en cas de chute, décrit par ses « amis » européens comme un clown grotesque et un piètre politicien. Sic transit gloria mundi… Avec la crise ressurgissent les jugements à l’emporte pièce et les généralisations. Les Grecs seraient donc dans leur ensemble des fraudeurs alors que la responsabilité de la crise actuelle incombe d’une part à une classe dirigeante clanisée (dont Georges Papadreou est l’un des éminents représentants) et à une Europe qui a favorisé durant deux décennies ses travers parce que cela l’intéressait économiquement. Loin de tels clichés xénophobes, des dizaines de millions de Grecs souffrent au quotidien. Ce sont les plus pauvres, les petits fonctionnaires, les travailleurs, les artisans. Les intérêts de la grande bourgeoisie hellène ne sont pas et ne seront jamais ceux de la majorité du peuple grec martyrisé par les marchés et par l’Europe. Le système européen a entraîné la Grèce dans un système de dépendance financière, une addiction au surendettement qui aboutit aujourd’hui au drame qui menace l’Europe entière. Mais qui peut donner des leçons ? La France elle-même surendettée ? Les États-Unis, maître en la matière ?
Les états faibles sont menacés de coups d’état
Les commentateurs, entièrement centrés sur leur dénonciation de cette absurde annonce de référendum, oublient que les états faibles ne savent souvent faire face aux crises généralisées que par la force et la contrainte en un mot l’armée. Les pronunciamentos fascistes des années trente ont explosé sur un terrain qui ressemble étrangement à celui que nous connaissons. Or l’Europe méridionale abrite des pays qui n’ont pas réussi pour des raisons historiques réussit à constituer une colonne vertébrale étatique solide. Le Portugal, l’Espagne, la Grèce et l’Italie ont en commun d’avoir connu pour toute réponse aux colères populaires des régimes militaires. Des bruits de plus en plus insistants laissent accroire que le changement de la hiérarchie militaire en Grèce avait pour but inavoué de sécuriser l’armée afin qu’elle ne soit pas tentée par un coup d’état similaire à celui de 1967. Il ne fait aucun doute qu’en pareil cas, les marchés et les gouvernements ne s’opposeraient pas à une telle issue. Munich n’est pas si loin. Nos gouvernements n’ont rien dit face au massacre des Tchétchènes. Ils se sont tus quand l’armée chinoise a tué à Tien An Men. Ils ont gardé le silence quand cette même armée a massacré au Tibet. Si les marchés pensent que des solutions autoritaires sont nécessaires pour contenir les foules, les pays susnommés renoueront avec les pages sinistres de leur histoire. La Grèce quittera un jour ou l’autre la zone euro. Ce sera un bien curieux symbole que le pays fondateur de la démocratie, abandonne ainsi son socle naturel. Mais ce sera également le signe d’une débâcle annoncée. Car la Grèce sera le premier domino à s’effondrer : les suivants ne tarderont guère.
GXC