S’il est bien une règle humaine, c’est celle qui veut que plus les hommes se ressemblent plus ils se détestent. L’arc français méditerranéen est peuplé de Méditerranéens venus de tous les bords du Mare nostrum. Les hommes et les femmes s’y ressemblent souvent de manière frappante. Et c’est bien là que réside le problème. Car avec la fin des colonies et la crise, cette ressemblance a détruit les anciennes hiérarchies. Le petit blanc se déteste dans le petit noir. Le vote corse massif en faveur de Marine Le Pen démontre une perte majeure de repères dans tous les territoires marginaux d’une Europe mal en point. La Corse appartient électoralement, et malgré ses spécificités, au sud est français.
Une île qui se cherche
Car la Corse s’est intégrée au premier tour des présidentielles à la zone sud de la France, dominée par le vote des personnes âgées, des anciens colonisateurs de l’Afrique et des victimes de la désertification industrielle. Notre île est incohérente dans ses choix politiques. Elle porte au pouvoir une majorité de gauche aux territoriales mais s’obstine à voter à droite voire à droite toute aux présidentielles. À les entendre les Corses seraient opposés au système clanique mais régulièrement le remette en selle. Et voilà que des nationalistes corses qui n’ont de cesse de stigmatiser "l’esprit gaulois" votent massivement pour la plus "gauloise" des candidates. S’il n’y avait pas dans ce foutoir politique un côté grotesque on finirait par en pleurer. Nous sommes décidément un peuple âgé, fatigué de tout y compris de nous-mêmes, totalement égaré. Un seul département fait mieux que la Corse : le Gard où le FN est la première force politique avec 25,51 % des voix. Le FN s’est imposé comme une force incontournable dans l’arc méditerranéen et surtout une force désormais pérenne. Les Bouches-du-Rhône sont les seuls à placer le FN en troisième position (23,38%) contre 24,51% pour le PS et 27,50% pour l’UMP. Dans le Var (24,83% contre 34,78 % pour Sarkozy), les Alpes-Maritimes (23,50% contre 37,19%) et le Vaucluse (27,03% contre 27,44% pour Sarkozy). Marine Le Pen consolide donc sa deuxième place dans des départements où son père était troisième ou quatrième en 2007.
Une banalisation de la Corse dans l’espace français
Au fil des élections, la Corse se banalise. Paupérisation et urbanisation aidant, elle tend à connaître les mêmes maux que les petites villes de la province française avec leurs banlieues, leur petite criminalité et leurs lots de médiocres haines quotidiennes. Malgré une identité incontestable, elle rejoint la peur des jeunes, des immigrés, de l’Europe du futur si bien répandu dans le sud méditerranéen que ce soit en Espagne, en Italie, en Grèce ou en France. Alors oui, notre terre reste les territoires des capizzoni, de ces capurali modernes que sont les chefs de partis "que les électeurs votent" dans les villages sans toujours se déterminer sur des idées précises. Mais est-ce là un trait corse ou n’est ce pas plutôt le produit de l’exiguïté des territoires électoraux associé à une forme de tribalisme ? Mais là encore les faits sont têtus : la Corse à travers son histoire réelle (et non mythifiée), son relief, sa société se situe à droite sur l’échiquier français. Cela se vérifie élections après élections. La Corse vote quasiment toujours en fonction de ses angoisses (manquer d’argent, de nourriture) et rarement pour un projet positif. Mais la Corse reste bien cette terre où le sport national consiste à dénoncer l’état tout en lui demandant de toujours faire plus. Seul le mouvement nationaliste a semblé un moment adopter une attitude différente et vouloir renverser cette tendance. Non seulement il n’y est pas arrivé mais il a bien souvent trempé son pain dans cette gamelle au risque d’y perdre de son âme. Le pari pouvait-il être gagné sur une ou deux générations ? Aujourd’hui et aujourd’hui seulement on peut en douter. Néanmoins, le mouvement nationaliste, parce qu’il a porté seul cet étendard, a longtemps été l’honneur du peuple corse. Le vote du premier tour qui démontre village par village qu’une bonne partie du vote nationaliste s’est portée sur Marine Le Pen est d’autant plus douloureux.
GXC