Les bourses dévissent les unes après les autres et il ne fait aucun doute que le monde est entré dans une de ces crises cycliques qui vont changer notre mode de vie. Le capitalisme se purge comme un fleuve par des crues incontrôlables qui, malheureusement, ont un coût terrible pour les plus pauvres. La Corse appartient à l’espace géographique qui est l’un des plus touchés d’Europe. Seule son appartenance à la France lui a permis d’éviter le pire. Mais pour combien de temps ?
Être lucide
Les journées internationales de Corte ne changent guère au fil des décennies. Seuls ses acteurs vieillissent, ô combien, et leurs discours apparaissent bien inopérants alors que le déluge menace. Qu’on le veuille ou non (et je suis de ceux qui ne s’en réjouissent pas) la France est notre bouclier contre le tsunami et lève déjà en Méditerranéen. À quoi servent ces discours incantatoires qui n’ont pas varié depuis presque un demi-siècle, quand le monde change autour de nous ? L’Italie est au bord du gouffre, tout comme l’Espagne et le Portugal. La Grèce coule. De l’autre côté du Mare Nostrum, le Maghreb et plus largement le monde arabe est cul par-dessus tête. Les effets de la crise arabe se sont d’ailleurs fait sentir jusque chez nous puisque la Tunisie et le Maroc bradent leur destination provoquant un appel d’air touristique au détriment de la Corse. La Libye est en plein conflit. L’Égypte ne parvient pas à se remettre de sa révolution de jasmin. Israël subit le contrecoup de ces désordres salutaires en même temps qu’elle paie une politique sécuritaire hors de prix par les temps qui courent. Il est regrettable que la branche nationaliste qui s’est réunie à Corte n’intègre pas ces bouleversements dans ses analyses. Car, à en lire les comptes dans la presse, les discours sont immuables, les récriminations inoxydables et les remèdes hors de raison. Ou alors il faut que les Talamoni, Poggioli et compagnie aient le courage de tenir à leurs ouailles le langage de la vérité. Dans le contexte actuel l’indépendance appelée de tous les vœux signifierait un pouvoir d’achat divisé par cinq pour tous les Corses. Pour parler net la vie augmenterait de 500%. Il est certain que le non-développement de la Corse est en partie dû à la politique centralisatrice française. Et alors ? Qui peut croire aujourd’hui que la séparation d’avec la France, la suppression des postes de fonctionnaires, l’effondrement de notre économie apporterait bonheur et sérénité à notre peuple. C’est puéril et ce serait ridicule s’il n’y avait pas le cortège de prisonniers, de plasticages et d’aigreur en conséquence de tels propos.
Et pourtant…
Et pourtant le mouvement nationaliste a été à la pointe des revendications qui ont profondément changé la Corse. Sans ces militants et leurs rêves, notre île se serait enfoncée dans une léthargie moderne. Qu’est-ce qui fait, alors, que ces mêmes hommes et ces mêmes femmes sont incapables de sortir des ornières de discours tout faits mais surtout parfaitement inopérants ? Pourquoi le mouvement nationaliste qui est à l’origine du renouveau syndicaliste, du renouveau culturel ne parvient-il pas à joindre le pragmatisme des militants sociétaux et le discours politique ? Ils se retrouvent dans la même seringue que l’extrême-gauche européenne qui pose de vrais problèmes, se bat au quotidien pour des causes justes puis se laissent aller à un délire quasi messianique lorsqu’il s’agit de proposer des solutions concrètes. J’en sais quelque chose. J’ai été de ceux-là. Quelle est la voie à suivre pour la Corse ? Dans la tourmente actuelle bien malin celui qui peut prétendre apporter une réponse. Chaque jour apporte son lot de nouvelles catastrophiques. Il faut donc surnager et tenter d’être en avance de quelques semaines ou quelques mois. Plus ce serait de la présomption ! L’idée de nation, celle de peuple sont porteuses d’unité et d’efficacité. Encore faut- il désigner de véritables cibles à commencer par ceux des Corses qui, profitant de la misère des plus fragiles, s’enrichissent sans vergogne. L’idée d’un peuple corse généreux dressé contre une France prédatrice est non seulement fausse mais contre-productive. Sur la rive nord, des femmes et des hommes se battent pour leur dignité et exigent que les fruits de la croissance passée soient mieux répartis. Ils demandent que les spéculateurs soient frappés comme des voleurs et parfois des assassins. Celles-là et ceux-là sont plus nos sœurs et nos frères que les rapaces à la double face qui s’affirment Corses mais n’ont comme seul souci que d’en profiter. Voilà le discours que j’aurais aimé entendre à Corte plutôt que les diatribes qui parfois frisaient la xénophobie. Ces mots sont ceux de l’ancienne génération. Vivement la nouvelle en espérant plus de générosité et d’ouverture pour en définitve aboutir à plus d’efficacité.
GXC