« La Corse pourrait servir d’exemple dans le projet de refondation de l’école »
Le recteur de l’Académie de Corse analyse le bilan positif de l’année scolaire écoulée. Il évoque, également, le nouveau projet académique, la prochaine refondation de l’école et l’évolution de la langue corse.
Quel bilan dressez-vous, des résultats aux examens 2012 ?
Ce sont des résultats excellents ! Le lycée Laetitia d’Ajaccio, a un taux de réussite de 94%, c’est une première. Le Fesch est à 93%, tout comme le lycée Giocanti de Bastia. Corte, cité universitaire, est également présente. Je souligne, à cet effet, en ce qui concerne l’internat d’excellence, mis en place, dès cette année, que nous sommes à 100% de réussite au baccalauréat quelque soit la série. Et il en est de même au niveau du Bac Pro -où les chiffres sont très élevés- dans toutes les filières et différentes villes de l’île. À cet effet, les résultats montrent bien que la politique qui a consisté à maintenir les lycées, professionnels ou non, dans les petites villes, est une réussite. On a montré que la voie professionnelle était la voie de la réussite. Je n’oublie pas, non plus, les CAP et BEP où les grands centres d’Ajaccio et Bastia ont un taux important de réussite. Globalement, nous avons, pour l’académie, des résultats identiques à ceux des grands lycées de Paris. Mon inquiétude, c’est de savoir si l’on va pouvoir faire aussi bien dans les années à venir !
À quoi attribuez-vous cette réussite ?
D’une manière générale, on est en hausse depuis plusieurs années. Cette réussite ? Elle est due, dans un premier temps au travail des élèves ! Ce sont eux qui passent les examens. Il ne faut pas oublier, non plus, les professeurs. Si on a de tels résultats, c’est qu’il y a de bons enseignants. Et puis, j’associe, également les chefs d’établissements et l’ensemble des personnels qui participent à la vie scolaire. J’insiste sur le chef d’établissement ; il est l’âme de l’établissement.
Comment comptez-vous œuvrer pour que l’Académie bénéficie pleinement de ces résultats et qu’elle soit tirée vers le haut ?
L’objectif, ce n’est pas, à mon sens, de travailler à partir des points positifs mais d’aller dans le sens inverse, en améliorant ce qui n’a pas marché. Nous allons essayer de travailler de manière à mieux accueillir, accompagner et former les élèves dans toutes les filières. Dans cette perspective, nous allons élaborer le nouveau projet académique, d’une durée de quatre ans.
De quelle manière ?
Nous allons définir un plan de travail. Un comité de pilotage pointera, ensuite, tous les trois mois, ce qui a été fait et ce qui n’a pas été fait, par rapport à ce que nous avions annoncé. Au bout de quatre ans, nous pourrons, ainsi, mesurer, le travail accompli.
Quelle analyse faites-vous, de la refondation de l’école, telle qu’elle est souhaitée par Vincent Peillon, Ministre de l’Education Nationale ?
La refondation, ce n’est pas une réforme. Elle consiste à revenir aux racines de ce que représente l’école de la République, telle qu’elle a été créée par nos pères fondateurs. C’est politique, non pas au sens partisan du terme, mais en ce qui concerne l’organisation. Je pense même que l’on peut transformer les différentes oppositions des partis politiques. Tout le monde doit pouvoir exprimer sa vision de la place de l’école au sein de la République. Partant de là, on pourra faire avancer les choses.
La place de la Corse dans cette refondation ?
Elle est, bien entendu, importante. La CTC, qui a des compétences plus élargies qu’ailleurs, va participer à cette concertation. Mais la nécessité de cette discussion dépendra de son dialogue avec l’Etat. Un calendrier précis a été envoyé à Paul Giacobbi, président de l’exécutif ; la fermeture de cette concertation au niveau national, a été fixée au mois d’octobre. Nous aurons une réunion inaugurale le 3 septembre, en présence de tous les acteurs concernés. Nous aborderons les sujets que nous estimons essentiels pour la Corse, à partir d’une question préalable : comment concevoir cette école de la République dans la singularité de la Corse ? Cet enjeu va alimenter l’aspect universel du débat et la Corse pourrait même servir d’exemple.
La langue corse ?
C’est un sujet de débat perpétuel. L’Etat fait un effort quantitatif très important, à hauteur de 9 millions d’euros. On doit se diriger, progressivement, vers le bilingue dans le secteur primaire mais cela implique une formation des maîtres du premier degré. Cette formation doit être bien meilleure afin qu’ils soient habilités. Nous allons concentrer nos efforts dans ce sens.
L’enseignement des échecs inclut-il cette notion de spécificité corse ?
Oui, tout à fait et je pense même, sur ce point, que nous ne sommes pas très loin de l’enseignement de la langue corse, au vu de la personnalité de celui qui a réussi dans ce domaine dans l’île. Je considère, en effet, Léo Battesti comme un grand Monsieur. J’adhère totalement, en tant que recteur, à cette démarche. Et puis n’oublions que la Corse sert encore de modèle au niveau de cette discipline. Ce qui a été récemment signé, au niveau national par le Ministre et la Fédération française des échecs, s’est fait sur le modèle de la première convention entre Léo Battesti et moi-même.
Un changement de gouvernement implique, bien souvent, des modifications en ce qui concerne les postes les plus importants. Michel Barat sera-t-il, à terme, recteur de l’Académie de Corse ?
Le recteur, comme tous ses prédécesseurs, a deux options : il vit serein ou il regarde, avec crispation, ce qu’il va se passer le mercredi. Je n’ai, pour ma part, aucune raison de penser que quelqu’un voudrait écourter mon séjour, et je ne me laisserai pas faire ! Un recteur, c’est un haut fonctionnaire de la République. Il est là pour appliquer ce que les élus ont décidé. Le Recteur, tout comme le préfet, est à la disposition du gouvernement. S’il est appelé à partir, c’est la règle du jeu, il n’y a pas à avoir d’états d’âmes. Ceci étant, je ne suis pas inquiet. J’ai franchi la barre des 64 ans, honnêtement, je ne pense pas avoir échoué en Corse ; Monsieur Peillon est très philosophe, comme moi, je suis donc très serein.
Interview réalisée par Philippe Peraut