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L’invité : Mgr Olivier de Germay, évêque de Corse

jeudi 20 décembre 2012, par Journal de la Corse

Monseigneur Olivier de Germay est à la tête du diocèse de Corse depuis huit mois. Une période au cours de laquelle il a pu mesurer, même si la spécificité y est très importante, l’attachement que vouent les Corses à la foi chrétienne. À quelques heures des fêtes de la Nativité, il évoque sa nouvelle mission en tant qu’évêque et délivre, aux lecteurs du JDC, son message de Noël.

Vous avez été ordonné le 14 avril dernier à Ajaccio. Un premier bilan depuis cette date ?

Huit mois après mon arrivée dans le diocèse, je peux dire que je suis heureux de cette mission qui m’a été confiée. La tâche est lourde mais passionnante. J’ai parcouru la Corse en long, en large et en travers, sans me lasser de la beauté des paysages. Je suis heureux de découvrir les communautés chrétiennes et leurs pasteurs. Peu à peu j’apprends à mieux connaitre les personnes et les réalités humaines et ecclésiales de la Corse.

Peut-on parler de paix retrouvée au sein de l’Eglise de Corse après les remous traversés ces derniers temps ?

Je crois pouvoir dire qu’une certaine sérénité a été, effectivement, retrouvée dans le diocèse. Mais il faut bien comprendre que dans toute communauté humaine, la paix et l’unité sont à construire chaque jour et demeurent un défi.

Vous ne connaissiez pas trop l’Eglise de Corse avant d’y venir. Comment analysez-vous, aujourd’hui, sa spécificité ?

Ce qui m’a le plus surpris en arrivant en Corse, c’est la visibilité de l’Eglise. Elle fait vraiment partie du paysage ! Ici, la religiosité populaire s’exprime sans avoir à se cacher, et on y vit une laïcité, me semble-t-il, apaisée. L’attachement des catholiques à Rome et à la tradition est aussi tout à fait spécifique.

Vous faites campagne contre le mariage gay, contre lequel vous avez été catégorique. Expliquez votre position. Que mettrait-il en péril ?

Je pense que c’est une mauvaise réponse à une bonne question. Il est normal d’entendre la revendication des personnes homosexuelles à être respectées. Mais, affirmer que le mariage est « pour tous » est, à mon sens, une contradiction dans les termes. Le mariage est reconnu par l’Etat parce qu’il est le fondement de la famille qui, elle-même, est la cellule de base de la société. Ce n’est pas un sentiment amoureux qui est consacré par le mariage civil. Si on renonce à définir le mariage, s’il est vraiment pour tous, au nom de quoi interdirait-on le mariage d’un homme avec son fils, ou celui d’une femme avec deux hommes ? De plus, en permettant aux personnes de même sexe d’adopter, ce projet de loi fait passer le désir d’enfant avant les droits de l’enfant, à commencer par celui d’avoir un père et une mère. Il conduira à l’utilisation de mères-porteuses alors qu’on connait bien maintenant toutes les dérives liées à cette pratique. Il va aussi introduire un brouillage de la filiation dont on est loin, aujourd’hui, de mesurer les conséquences.

La Corse est, plus que jamais, touchée par la violence. Quel message, l’homme d’Eglise que vous êtes, peut-il délivrer ? Ne faut-il pas, en amont, travailler sur les consciences ?

Les solutions sont à plusieurs niveaux, et il ne faut pas les opposer. Des mesures économiques, sociales et judiciaires sont certainement nécessaires. Mais je crois qu’il faut, comme vous le dites, un travail en amont, plus en profondeur. Il faut aider les jeunes à grandir dans une culture de la non-violence. Quels jeux va-t-on offrir aux enfants à Noël ? Des jeux où l’on s’amuse à détruire, à tuer, à se faire peur ? Il faut arriver à faire comprendre aux jeunes, et aux garçons tout particulièrement, que le vrai courage et la vraie force, c’est de résister à la tentation de la violence et de savoir gérer pacifiquement les conflits. Les familles ont ici un rôle très important à jouer ; elles doivent être soutenues par la société dans ce rôle éducatif.

Quelles seront les missions de l’Eglise de Corse en 2013 ?

Je dirais que le rôle de l’Eglise n’est pas d’abord du domaine de l’action, comme une entreprise par exemple. Son but est de « relier » (c’est l’origine du mot religion) les hommes à Dieu ; leur permettre de se ressourcer en Celui qui est à l’origine et au terme de leur existence, et qui leur donne la force spirituelle nécessaire pour grandir en humanité. Dans ce cadre, l’année 2013 est une « année de la foi ». J’y vois une invitation à purifier notre foi de tout ce qui pourrait la parasiter, pour revenir à ce qui est au cœur de l’expérience chrétienne.

Cécile Duflot, ministre du logement a interpellé l’Eglise de France et notamment l’archevêché de Paris, afin de mettre à la disposition de l’Etat, les bâtiments vides pour y loger les sans-abris. Une initiative qui, depuis, suscite une vive polémique. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Je pense que Madame Cécile Duflot a parlé un peu vite, ce qui peut se comprendre compte tenu du climat quelque peu « cathophobe » qui règne dans certains milieux parisiens. En réalité, le diocèse de Paris est très impliqué dans l’aide aux sans-logis, en particulier dans le cadre de l’opération « hiver solidaire ». Non seulement 22 paroisses offrent un hébergement et un repas aux personnes de la rue, mais un gros effort est fait pour aider ces personnes à se réinsérer.

Quelles actions l’Eglise de Corse, met-elle en place en faveur des plus démunis ?

Le Secours Catholique est présent dans une dizaine de villes en Corse. Ses actions sont très variées. On peut citer par exemple la visite de personnes seules, le soutien aux personnes en situation de précarité par l’écoute, l’aide alimentaire, l’accompagnement scolaire… mais aussi l’accueil des familles de détenus en attente de parloir, etc. Ajoutons, à cela, les initiatives prises par les paroisses, sans oublier tout ce que font des chrétiens à titre personnel ou dans le cadre d’associations non confessionnelles.

La fête de Noël, à l’origine exclusivement religieuse, semble avoir perdu ce caractère au profit d’une démarche, aujourd’hui, beaucoup plus commerciale. Qu’en pensez-vous ?

Il est vrai que l’on a l’impression de subir un déferlement d’incitations à la consommation. Malgré tout, je crois que Noël reste une fête où l’on goûte la joie de se retrouver en famille, de mélanger les générations, de s’offrir des cadeaux, de se dire qu’on s’aime… Tout ça a de la valeur, mais il est vrai qu’en oubliant l’origine de la fête, on risque bien de passer à côté de l’essentiel.

Comment inverser cette tendance et, comme vous le soulignez, susciter cet « essentiel » dans l’esprit des gens ?

Je crois que, pour une part, c’est à nous, catholiques, de nous remettre en question, et de nous demander : Suis- je vraiment un témoin ? Est-ce que je manifeste la joie de croire ? Est-ce que j’ose parler de ce Dieu qui se fait si proche ?

Quel message adressez-vous à la population de Corse, à l’occasion de ces festivités ?

Je voudrais leur dire que Noël n’est ni la fête de la consommation, ni la mémoire d’un événement passé ; c’est aujourd’hui que Dieu veut venir chez nous, dans chacune de nos vies, et y répandre sa Paix. Si les Corses redonnent à Dieu la place qu’il doit avoir dans leur vie, alors la paix reviendra sur l’île.

Interview réalisée par Philippe Peraut

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