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L’invité Edmond Simeoni

jeudi 12 juillet 2012, par Journal de la Corse

Auditionné, le 22 juin dernier, à sa demande, par la commission des affaires législatives et réglementaires de l’Assemblée de Corse, Edmond Simeoni, militant nationaliste de la première heure, y a évoqué la situation de la Corse. Une situation que l’ancien élu territorial, juge grave et profonde appelant, selon lui, des choix clairs de la part de la population insulaire. Point d’orgue d’un profond remaniement qu’il appelle de ses vœux, une réforme de la constitution, avec, en préambule, une discussion entre tous les forces vives de l’île. Le leader charismatique présente les enjeux de cette démarche.

Vous avez donné une conférence de presse, le 30 juin dernier, à la suite de votre audition devant la commission Chaubon. Qu’est-ce qui a motivé cette montée au créneau soudaine ?

Elle se nourrit depuis de longs mois. On constate que l’exécutif rapporte de nombreux problèmes que nous, nationalistes, avons, du reste, soulevés depuis déjà très longtemps. Des problèmes dont, n’ayant pas la solution, il attend, à chaque fois, la réponse de Paris. Et cela laisse en l’état les vrais problèmes, qui sont d’ordre politique. Aujourd’hui, la situation d’ensemble, de la Corse, est très grave ! La crise est chronique sur tous les plans : économique, social, culturel, sociétal, etc. Et les pouvoirs délégués à la Corse sont, non seulement, insuffisants mais le peu de marge de manoeuvre qu’ils autorisent est constamment remis en cause et récupéré par le centralisme atavique de Paris. Les pouvoirs actuels ne permettent de traiter aucun problème. On ne peut s’en sortir avec la situation actuelle. La crise économique a des retombées sur la Corse, quoi qu’on en dise. Le tourisme bat de l’aile avec 400000 billets qui n’ont pas encore trouvé preneurs pour la saison actuelle, sans oublier les problèmes du foncier, de la langue corse, etc. On ne peut plus rester indéfiniment dans l’approximation. Il faut, une fois pour toutes, aborder le problème de fond de la Corse avec l’ensemble des forces vives de l’île, les politiques et la population. Voir quels sont les axes majoritaires à emprunter et évoquer ensemble, les solutions et discuter avec le principal décideur qui reste Paris. On pourra, ensuite, élargir le débat au sein de l’Europe.

La commission Chaubon vous paraît-elle insuffisante pour traiter des compétences législatives et réglementaires de l’Assemblée de Corse ?

Le travail imparti à commission Chaubon doit, à mon sens, être intégré, dans sa contribution, à la recherche d’une solution globale de la question corse. Il ne faut plus avoir démarche isolée et traiter sectoriellement les différents problèmes. On ne peut, non plus, imaginer que l’Assemblée de Corse puisse, seule, traiter le problème insulaire dans un dialogue exclusif avec l’Etat. Les statuts politiques antérieurs, le statut fiscal, le padduc ont pâti dans leur conception et dans leur réalisation, surtout à cause de l’absence réelle et de l’implication de la société civile et des élus de tout niveau. Aujourd’hui, le peuple corse a le devoir et le droit de s’exprimer sur son destin et nul n’a le pouvoir de l’en empêcher ou de contourner cette impérieuse exigence. Cela passe par des propositions concrètes.

Lesquelles ?

Il faut procéder à l’étude rapide d’un nouveau statut politique dont le socle serait la reconnaissance juridique du peuple corse, lui assurer la maîtrise de son destin, de ses intérêts collectifs. Un statut comportant notamment, l’élargissement des compétences de l’île (santé, énergie, fiscalité, finances internes, etc). Nous proposons donc un pouvoir législatif de plein droit, les décisions de l’assemblée de Corses soumises au contrôle du conseil constitutionnel. Le fait marquant doit être la réforme des institutions avec suppression de la dyarchie, des conseils généraux, une assemblée de Corse guidée par trois principes : parité hommes femmes, scrutin proportionnel, représentation du territoire. Le mode d’élection doit, en effet, être repensé pour que tout le territoire y soit représenté.

Comment comptez-vous traduire vos idées, d’une manière concrète ?

Une discussion élargie entre tous les Corses, ceux de l’île et de la diaspora, avec l’assemblée de Corse et tous les élus de l’île, est nécessaire en préambule. Je propose, à cet effet, des Etats Généraux pour savoir ce que pensent les Corses de la situation et ce qu’ils préconisent comme situation. À la suite de cela, l’Assemblée de Corse rédigera un texte de synthèse pour aller, ensuite, discuter avec Paris. Elle abordera, alors, avec le Président de la République, le contenu de ce texte, l’importance des réformes, comme la réforme structurelle, la suppression des conseils généraux, pouvoir législatif, coofficialité de la langue corse, maintien des arrêtés Miot, compétences fiscales, loi d’amnistie. Elle discutera de ces problèmes et proposera un calendrier bien précis. Ensuite, il appartient au président de la République de décider. Soit, il n’est pas d’accord pour un tel programme et chacun prend ses responsabilités. Soit, il accepte même s’il n’est pas d’accord sur l’ensemble de ce qui est proposé et l’on peut poursuivre le débat.

Quels seraient, selon vous, les grands axes de cette réforme ?

La grande réforme que nous proposons au débat impose une modification constitutionnelle. La seule possibilité d’évolution institutionnelle ne peut avoir lieu que selon les conditions posées par la Constitution. Or, elle prévoit dans son titre XII relatif aux collectivités territoriales qu’en dehors des communes, départements et territoires d’Outre Mer, seule la loi peut créer de nouvelles collectivités. Les articles 73 et 74 précisent, en outre, que la loi peut modifier le régime et l’organisation des départements d’Outre Mer et des territoires d’Outre Mer afin de tenir compte de leur « situation particulière ». Mais ces articles ne s’appliquent qu’à l’Outre Mer. Dans ces conditions, le statut de la Corse ne peut pas être modifié. Cela passe, nécessairement par une réforme constitutionnelle créant pour l’île, une collectivité territoriale spécifique.

Comment, une telle réforme, pourrait-elle aboutir ?

Elle pourrait se faire de deux façons. Soit, par la voie du congrès à Versailles, soit en soumettant à l’adoption du peuple français un texte référendaire. Soit, à l’intérieur de l’article 72 qui concerne les départements des communes de métropole, il a été créé un alinéa particulier instaurant l’autonomie de la Corse, soit à l’intérieur des articles 73 et 74 qui concernent les départements et territoires d’Outre Mer, il est créé un nouveau titre concernant la Corse. Cette dernière possibilité apparaissant comme la meilleure disposition pour l’île. Le titre concernant la Corse pourrait venir après celui concernant les collectivités territoriales de la République, c’est-à-dire, le titre XII et devenir le titre XII bis ou alors le titre XVII.

Le changement de gouvernement ne laissait-il pas augurer des perspectives intéressantes pour la Corse ?

Je n’en suis pas si sûr ! Avec Femu a Corsica, nous avions posé un ensemble de questions aux candidats à l’élection présidentielle. Des questions portant, notamment sur la co-officialité, les arrêtés Miot et surtout la révision constitutionnelle, la citoyenneté, la résidence. François Hollande n’a pas répondu à toutes les questions et quand il a répondu, c’est de manière négative. Il n’est pas favorable à la révision constitutionnelle. Quant à M. Mélenchon, je préfère ne pas évoquer ses propos sur la Corse…C’est scandaleux et provocateur.

Finalement, vos revendications restent les mêmes.

Oui, c’est le même combat que je mène depuis plus de cinquante deux ans. Le changement, c’est donner aux Corses le droit d’exister en tant que tels au sein d’un statut plus important et surtout plus large que ce qu’il a été depuis 30 ans. Nous avons eu trois statuts différents et la situation reste la même. Il y a, je pense, matière à réflexion. Il existe déjà 32 statuts d’autonomie en Europe. Chez nous, le système politique incarné par l’Etat et le clientélisme corse, ne peut plus durer. Un réel changement s’impose.

La position des nationalistes, toutes tendances confondues, comme une importante force électorale, n’est-elle pas de nature à inciter à l’optimisme ?

Il y a, en effet, un espoir énorme ! Si l’on tient ces comptes de la mouvance nationaliste (37%) et si l’on y ajoute Paul Giacobbi et son groupe, Simon Renucci et Laurent Marcangeli, on s’aperçoit bien qu’une très large majorité de Corses est favorable à une révision de la constitution. Il est temps, désormais, d’amorcer ce changement radical pour la Corse.

Interview réalisée par Philippe Peraut

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