Accueil du site > Societe > L’Invité Dominique Bucchini, président de l’Assemblée de Corse
 

L’Invité Dominique Bucchini, président de l’Assemblée de Corse

jeudi 29 septembre 2011, par Journal de la Corse

Les élus territoriaux effectuaient, ce jeudi, leur rentrée au sein de l’hémicycle. L’occasion, pour Dominique Bucchini, président de l’Assemblée de Corse, de dessiner les contours des orientations prises par la nouvelle mandature. En abordant, entre autres, des thèmes aussi importants que la précarité, le foncier, le PADDUC, la violence ou la langue corse.

Vous êtes en place depuis votre élection en mars 2010. Quel bilan dressez-vous de cette période ?

Il convient de préciser, en respectant nos adversaires, que la Droite a eu le pouvoir, à l’assemblée de Corse durant 26 ans. Partant de là, l’opinion publique insulaire doit bien comprendre qu’il nous faut du temps pour prendre nos marques et nous tourner vers d’autres orientations politiques. Néanmoins, des thèmes ont déjà été abordés depuis l’an dernier et j’estime même que, pour certains d’entre eux, nous avons avancé. Je pense, notamment à l’énergie, au PADDUC, au logement, au foncier, à la langue corse, à la violence ou à la précarité. Pour autant, nous n’avons pas la prétention d’avoir résolu tous ces problèmes en dix-huit mois. Peu à peu, nous allons effectuer des ruptures avec la politique d’ensemble et les choix de nos prédécesseurs. Notre mandat est, certes, court, mais nous avons des gens de bonne volonté, à l’écoute de la population, et qui vont s’efforcer d’avancer dans un certain nombre de directions.

Vous avez évoqué de nombreux thèmes. Quelle est, toutefois, votre priorité ?

Il y a urgence sur le plan social. Si on prend les indicateurs, que ce soit au niveau du logement, de la précarité, du chômage ou de la vie cher, les chiffres sont alarmants ! 15% de chômeurs, une aggravation de la précarité, nos responsables politiques doivent regarder les choses en face, c’est dans ce domaine qu’il nous faut agir. Nous n’avons pas les mêmes compétences que les départements et les municipalités, cela ne nous empêchera pas d’avancer, notamment pour ce qui touche au logement. Nous avons, dans cette optique, chiffré un certain nombre d’orientations. D’une manière concrète, on multiplie par quatre la dotation de la Collectivité pour ce qui touche au logement. C’est, je pense, le signe fort témoignant bien que l’on songe au problème. Etant donné, bien entendu, que les services de l’Etat doivent nous suivre dans notre démarche.

Le PADDUC est actuellement en projet au sénat. Pouvez-vous nous en dire plus ?

On avance dans ce domaine avec la création d’un Etablissement Public Foncier local. Nous avons délibéré de manière unanime pour mettre en exergue la nécessité d’avoir une cartographie ou une application globale de la loi littorale. Nous attendons, désormais, la visite du sénateur Henri Houpert. Nous espérons faire passer ce projet de loi qui, je le rappelle, est l’émanation d’un vote unanime des élus de l’Assemblée de Corse. Le PADDUC actuel est une véritable rupture par rapport à ce qui avait été fait auparavant. Il avait été élaboré sans concertation, il va falloir aller plus loin et poser les bases d’une nouvelle politique territoriale. Pour cela, il est nécessaire de travailler plus en amont. Dans le cadre du nouveau PADDUC, l’exécutif devra commencer à travailler, en accord avec l’Etat, à travers des réunions de travail portant sur l’application de la loi littoral, avec un regard beaucoup plus pointu sur les PLU afin de déblayer, en quelques sorte, le terrain.

Au niveau énergétique, le GALSI a longtemps été à l’ordre du jour. L’Etat s’y était même engagé. Qu’en est-il, aujourd’hui ?

Henri Proglio, PDG d’EDF est venu nous rencontrer. Il a précisé qu’il était favorable au GALSI mais que la situation géopolitique du monde arabe rendait actuellement problématique un tel projet, de surcroît si la révolution s’étendait jusqu’en Algérie. Nous sommes dépendants de l’Algérie et de l’Italie dans ce domaine. Pour autant, on ne doit pas être suspendus à de telles décisions pour commencer à travailler et voir s’il n’y a pas la possibilité d’implanter des barges à Ajaccio et Bastia. L’exécutif travaille, actuellement dans ce sens avec Mr le Préfet de Corse.

La Corse vient d’être de nouveau touchée par la violence avec l’assassinat, le week-end dernier, d’un jeune ajaccien. Vous avez évoqué ce fléau au sein de l’hémicycle. Comment créer les conditions pour l’endiguer ?

Ce qui m’inquiète le plus, concernant la violence, c’est l’arrivée de la drogue dans l’île. La drogue et la spéculation foncière sont principalement à l’origine de la violence qui sévit dans l’île. Tout est lié. Nous avons créé, à l’Assemblée de Corse, une commission de la violence. Elle s’est réunie afin de procéder à un état des lieux. On a reçu les responsables des Communautés d’Agglomération d’Ajaccio et de Bastia, Monsieur le préfet de Région, le colonel de gendarmerie et le directeur de la sécurité. On a fait appel, enfin, à des universitaires comme Antoine-Marie Graziani qui a sorti un livre sur la violence en Corse ou encore le sociologue Laurent Mucchielli, à qui nous avons demandé une étude très précise. Quand on aura fait le tour des expertises, on va rentrer dans la problématique des propositions que l’on pourra faire au niveau de l’Assemblée de Corse, en concertation, je le rappelle, avec l’Etat car il va falloir des moyens financiers. Il est vital de travailler en amont au niveau de la jeunesse et rompre avec cette culture du "calibre". Ce sont des efforts à faire sur du long terme pour changer peu à peu les choses. La violence n’est pas née comme ça, en Corse, elle vient de très loin.

La langue corse, autre point sur lequel tous les élus sont unanimes, fait actuellement couler beaucoup d’encre. D’importants moyens sont mis en oeuvre. Comment créer les conditions pour qu’elle s’insère dans la société ?

Nous avons travaillé dans ce sens en vérifiant, tout d’abord, où nous en étions au niveau du plan de développement de la langue corse en milieu scolaire. Ensuite, il était nécessaire de réfléchir de quelle façon elle pourrait irriguer la société corse. L’Etat a fait voter, lors du congrès de Versailles, que les langues régionales faisaient partie du patrimoine. Nous ne sommes pas plus avancés. Il faut, désormais, songer aux conditions du propre développement de cette langue. On a réfléchi à partir de cela. Mais la motion que nous avons votée et amendée parle de co-officialité de la langue. Cela implique l’idée de deux langues officielles dans un cheminement commun et non oppositionnel.

Vous êtes, avec 28 ans de présence à l’Assemblée de Corse, le plus ancien représentant au sein de l’hémicycle. Que cela vous inspire t-il ?

Je reste, tel que je l’ai toujours été, un militant de Gauche, aujourd’hui, militant-président. À ce titre, je n’ai rien mis de côté de ce qui a été l’engagement de ma vie au service des gens de condition modeste. Pour ce qui est de mes responsabilités actuelles, il fallait, me semble t-il, quelqu’un d’expérimenté susceptible d’avoir une vue d’ensemble précise de la problématique insulaire.

Au niveau national, pensez-vous la Gauche capable de reprendre le pouvoir lors des prochaines présidentielles de mars 2012 ?

Il faut un changement profond au sein de la société française. La Gauche doit travailler dans ce sens autour d’une alliance basée sur un programme tenant compte de la problématique d’aujourd’hui. Afin de créer les conditions de ce changement. Il faut tirer les enseignements de la situation de la fin du siècle dernier, où la Gauche avait perdu le pouvoir et s’était retrouvée des années sans un candidat potentiellement éligible.

Interview réalisée par Joseph Albertini

Répondre à cet article