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L’invité : Colonel Pierre Salinesi

jeudi 26 juillet 2012, par Journal de la Corse

Colonel Pierre Salinesi, responsable des sapeurs pompiers de Corse-du-Sud

Comme chaque année, à pareille époque, la Corse vit dans la crainte des incendies, un fléau pour lequel elle paie, à chaque fois, un très lourd tribut. Malgré les –importants-moyens mis en œuvre, le risque reste toujours important. Comme chaque année, le colonel Pierre Salinesi, responsable des sapeurs pompiers de Corse-du-Sud, travaille, avec toute son équipe, en amont afin d’être prêt à intervenir en période délicate. La gestion de plusieurs mois de travail préventif, d’une logistique précise, de moyens humains et matériels conséquents constitue le quotidien de cet homme qui voue sa vie à cette lutte. Réticent à évoquer le fléau des incendies de forêts, il veut rester discret et travailler dans l’ombre. Il n’aime pas les feux, pas même ceux des projecteurs. Ce qui ne l’empêche pas de nous livrer son sentiment sur la campagne 2012.

Comment se présente l’été 2012 au niveau des risques d’incendies ?

Les conditions météorologiques que nous enregistrons depuis plus de huit semaines sont alarmantes. Nous n’avons pas une goutte d’eau. De ce fait, et par rapport aux années précédentes, 2010 et 2011, nous avons une sécheresse très importante qui s’accroît. Fin juillet, les risques de feux de forêt étaient au niveau sévère, voire, certains jours, très sévère, de par les conditions de vent. Et les risques sont donc bien plus importants que ceux que nous avions les années précédentes. Il faut donc redoubler de vigilance.

Paradoxalement, aucun feu important n’est à déplorer depuis le début de l’été. Comment l’expliquez-vous ?

Grâce à la mise en place d’un dispositif préventif, et, sans doute, aussi, à toutes les actions menées dans ce cadre, on enregistre, en effet, moins de départs de feu. Au cours des quinze premiers jours de juillet, on note un nombre de mises à feu relativement faible. Néanmoins, on s’aperçoit que ce nombre est, depuis, en augmentation et même si les sinistres sont traités très rapidement, nous restons sensibilisés sur le terrain pour pouvoir mettre en place nos moyens, développés depuis la fin du mois de juin.

Quels sont, justement, les moyens préventifs dont vous disposez ?

Ils sont articulés avec d’autres. Il y a les moyens des services d’incendie, les moyens des sections de l’UIISC de Nogent-le-Rotrou qui viennent nous renforcer durant tout l’été, un renforcement de moyens militaires, qui est une section militaire intégrée, les moyens du module adapté de surveillance de la base de Solenzara, ils sont positionnés en attente dans le secteur de Sainte Lucie de Porto-Vecchio et, enfin, des moyens locaux, les forestiers sapeurs et les moyens de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM) et de l’Office National des Forêt (ONF). Au total, ce sont plus de trois cents personnes qui sont pré-positionnées tous les jours sur le terrain, auxquelles viennent s’ajouter les pompiers des centres de secours qui sont, eux, prêts à intervenir sur tous les risques quotidiens et, si besoin est, sur les feux de forêt. On a, actuellement, lorsque le risque est dit sévère, et c’est le cas dans tout le département, et dans l’ensemble de la région, 380 personnes prêtes à intervenir.

Qu’en est-il des moyens matériels ?

Ces moyens sont dédiés aux risques de feux de forêts. Ce sont des camions citernes « feux de forêt », quarante six sont à notre disposition pour les sapeurs pompiers. Douze autres CCF proviennent des UIISC, une dizaine pour les forestiers sapeurs et enfin une dizaine de camions citernes pré-positionnés sur l’ensemble du département afin d’essayer d’avoir un maillage. Hormis les feux de forêt, nous devons assurer la gestion du quotidien et donc des accidents de la vie courante. En période estivale, ils sont nombreux, que ce soit les accidents de la route, les chutes en montagne, ou les noyades. Nous avons 21 centres de secours dont 14 armés 24 heures sur 24 et des unités spécialisées. Pour la partie mer, les SAL (scaphandrier autonome léger) qui interviennent par binôme en surface ou en plongée. Vingt et une personnes sont à disposition et disposent d’un bateau. En montagne, 14 personnes sont sur le terrain. Il va de soi, que ces personnels sont habilitées, si besoin est, à intervenir dans le cadre d’un feu de forêt.

Les moyens aériens ?

Il y a les moyens nationaux, canadairs ou trackers bombardiers d’eau. Nous avons deux trackers sur Bastia et deux Canadairs plus un sur Ajaccio. L’Etat renforce ces moyens en mettant à disposition un hélicoptère de commandement feux de forêt. Il est chargé de sillonner des zones et de déceler les éventuels départs de feux. En parallèle, le SDIS 2A possède un écureuil bombardier d’eau.

Quels sont vos principes d’action en matière d’intervention ?

Notre action sur porte sur l’attaque des feux naissants. Pour cela, nous devons, en amont, être au plus prêt de la zone. À cet effet, les engins sont, chaque jour, pré-positionnés sur différents endroits du département. Avec les risques actuels, nous avons 70 points de gué répartis dans toute l’île et sur lequel, un engin est prêt à intervenir dans les minutes qui suivent le départ de feux. Parallèlement à ces moyens, on a constitué, durant la journée, des groupes d’attaque que l’on appelle la réserve territoriale. Deux sont disposés dans le nord et le sud du département. Ils sont armés par des sapeurs pompiers du département. Cette réserve est activée toute la journée avec une astreinte la nuit. Ces moyens sont mis en place dans chaque département, ils ont toute vocation, sur la demande du préfet, à être regroupés afin d’intervenir de manière renforcée. Chaque lundi matin, nous avons une réunion avec l’ensemble des acteurs concernés. Grâce à l’ensemble de ces moyens, on s’efforce d’avoir la meilleure efficience en terme d’action.

La Corse a connu d’importants sinistres il y a trois ans, notamment dans la région de Peri et la vallée de l’Ortolo. Malgré les efforts consentis, l’île n’est pas à l’abri d’un nouveau désastre.

Nous n’avons, cette année, pas du tout les mêmes conditions qu’en 2009. La sécheresse augmente et notre principe consiste à rester en vigilance importante. Mais on a une limite. Nous avons beau travailler en amont, le risque est toujours important et l’on reste à la merci d’un feu qui dégénère surtout si les conditions de vent sont propices. Le 23 juillet 2009, nous avons connu 14 départs de feu le même jour, dont trois en moins d’une minute. Le feu de forêt est un véritable fléau. Il met l’environnement dans un état désastreux et il faut plusieurs décennies pour que la nature reprenne ses droits. En amont, le citoyen doit être sensibilisé et attentif. C’est un acteur essentiel de la prévention contre les feux de forêt. Il doit en prendre conscience.

Peut-on déceler l’origine criminelle ou non d’un feu de forêt ?

Lorsqu’un feu se déclare, le procureur de la République a la possibilité de déclencher une Cellule d’Investigation pour les Incendies de Forêt (CIIF). Cette cellule se compose de personnes de l’ONF, de la DDTM, d’un officier de la PJ et d’un sapeur pompier. L’objectif de cette cellule consiste à déterminer l’origine du feu.

Interview réalisée par Philippe Peraut

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