Aujourd’hui l’Europe s’oppose à l’Europe, celle du Sud à celle du Nord. Les frasques de Berlusconi, l’affaire DSK ne sont pas là pour améliorer l’image des latins perçus par les Germains et les Scandinaves.
Une Europe fondamentalement protestante contre une Europe catholique
Le protestantisme est né en Allemagne au 16e siècle en réaction à l’opulence et au manque de moralité de l’église catholique. Cette forme de puritanisme a profondément modelé les sociétés qui l’ont adopté ou qui y ont été confrontées. Ainsi l’Europe actuelle est grossièrement divisée en deux : au Nord une Europe qui pense le travail comme rédemption nécessaire et, au sud, une Europe qui le perçoit comme une sorte de pension arrachée de droit à l’état. Le catholicisme croit aux saints, ces sortes de chefs de clan qui intercèdent auprès de Dieu-état en faveur de l’ouaille fidèle. Le protestantisme instaure une relation directe avec la divinité qui le renvoie à sa propre éthique de la vie. C’est dire si aujourd’hui l’Europe méridionale est rudement jugée par nos voisins septentrionaux. Il suffit de lire la presse nordique pour mesurer son incompréhension face à notre monde latin qui manie en vrac le verbe, la ruse et le sexe. Bien sûr tout cela est totalement caricatural. Ces défauts se trouvent aussi en Allemagne, en Hollande ou en Scandinavie Le moralisme protestant cache bien souvent une hypocrisie majeure vis-à-vis des travers humains et mercantilisme sans vergogne l’être humain. Mais il conserve du puritanisme une absence de frontière entre la sphère publique et la sphère privée. En d’autres termes, celui qui ment à sa femme peut tout aussi bie tromper le peuple. Celui qui dérobe un centime peut voler des milliards. Le mensonge devient alors un crime plus grand que le délit lui-même. Il porte atteinte à l’intégrité même du collectif et, à ce titre le coupable doit être absolument condamné. En Europe du Nord, les dirigeants sont les reflets des peuples qui les élisent. L’Italie est incarnée par Berlusconi, ce pitre libidineux qui a transformé l’un des berceaux de la civilisation européenne en un cirque grotesque. La Grèce, notre mère à tous, a réussi son examen d’entrée en Europe en falsifiant ses comptes nationaux. La France est dirigée par un homme qui confond ses pulsions personnelles et les devoirs de sa fonction. Quant à l’Espagne et au Portugal, ils ont tout simplement joué à un niveau économique qui n’est pas le leur. Voilà dépeint un tableau bien sombre de l’Europe qui borde la Méditerranée. Et malheureusement pour nous autres Corses l’Europe du Nord est bien plus performante sur le plan économique que celle du Sud, en grande partie basée sur le clientélisme et l’industrie de petite et moyenne structure.
Une image trompeuse
La réalité des peuples méditerranéens est évidemment différente de celles de ses dirigeants même si le principe démocratique fait peser sur l’ensemble de la communauté la responsabilité de la majorité fut-elle relative. S’il est exact que leurs dirigeants politiques sont plus clientélaires voire plus corrompus que leurs homologues du nord, les travailleurs du sud sont aujourd’hui engagés dans des luttes sociales qui marqueront les prochaines décennies. Et si les précieux acquis de l’après guerre ne sont pas gommés par la crise, ce sera grâce à ces combattants du social. Le FMI et les autorités européennes étranglent les économies nationales mises à mal par les banques avec la complicité des dirigeants. En Grèce mais aussi en Espagne, au Portugal, en Italie ce sont des millions de personnes qui disent non à ce système inique qui fut quelques années durant, incarné par DSK. La contestation maghrébine remonte lentement vers le nord et fait trembler les grands prêtres de la Bourse mondiale. Les peuples refusent de payer les dettes des parasites qui les ont initiées. Alors il est vrai que le sud est plus archaïque au regard du capitalisme mondialisé. Mais il est tout aussi vrai que le sud sait dire non quand il le faut plutôt que de chercher à s’adapter à un système fait par les riches pour les riches.
Gabriel Xavier Culioli