L’éthique ? Quelle éthique ?
La charge du procureur Pison contre les jurys d’examen et leurs extrêmes complaisances, contre les « bidouillage, passe-droit et combine » de professeurs, dont certains comparaissaient devant le tribunal correctionnel d’Ajaccio, et contre le recteur qui les couvre, est-elle révélatrice d’un dysfonctionnement du corps enseignant en Corse ? Ce n’est pas impossible si l’on en juge par les résultats faramineux au Baccalauréat et à divers brevets enregistrés ces dernières années dans les deux départements insulaires et, comme l’écrivait récemment un confrère, par « l’adaptation de l’université à l’agonie de la langue française. » De tous temps les membres des jurys du Bac ont été courtisés, mais la plupart faisaient la sourde oreille ou se contentaient de vagues promesses afin de se débarrasser des solliciteurs. Aujourd’hui, selon le procureur (avec, peut-être, une pointe d’exagération) « Le Bac c’est la fête à neuneu, tout le monde l’a. » Faut-il croire que la majorité des professeurs ont capitulé devant leurs élèves, prêts, pour avoir la paix, à ne plus s’opposer au déferlement de bêtise, d’ignorance et de nonchalance qui les emporte vers de coupables résignations ? Faut-il admettre ce tourbillon malsain, appelé complaisamment « phénomène de société », qui emporte les anciennes valeurs de l’Ecole et dans lequel se noient ses représentants attitrés ? « Qu’avez-vous fait de votre éthique ? » s’est exclamé le procureur à l’adresse des enseignants prévenus. Mais est-on sûr, au moins, qu’il y en ait encore une ?