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L’ÉDITO d’Aimé Pietri

vendredi 16 août 2013, par Journal de la Corse

PLUS ON EN PARLE, MOINS ON LE PARLE

La langue corse, sa défense, sa promotion et son illustration ont provoqué, cet été, un véritable raz-de- marée dont les remous ne sont pas près de s’atténuer. Fort bien, mais cette langue que l’on continue de martyriser subit, dans la pratique, un immense déficit de locuteurs. Ils étaient, au début du siècle dernier quelque deux cents mille à utiliser la « lingua materna » un idiome qu’ils pratiquaient instinctivement depuis le berceau. Combien sont-ils aujourd’hui ? À peine trente mille si l’on en croit les statistiques, mises sous le boisseau, dés leur publication. Car il faut que la « langue de nos aïeux » serve de moteur aux générations futures afin de les propulser au sein d’une culture dont le troisième « riacquistu » est en cours. Pour cela, une formidable opération a été lancée, avec les fonds de l’Etat bien entendu, pour que le corse devienne obligatoire, non seulement à l’école, mais à tous les niveaux de la vie sociale. Et gare à celui qui serait incapable de le parler. Toutes les portes de l’administration lui seront fermées ce qui n’est pas rien dans une région où le nombre de fonctionnaires dépasse de loin la normale. Il ne lui restera donc plus, comme naguère, qu’à prendre le chemin de l’exil. Quant au continental qui risquerait de quérir un emploi de l’autre côté de la mer où il a ses racines, une seule alternative : ou savoir parler corse, ou aller chercher ailleurs de quoi gagner son pain. C’est ainsi qu’à force de contraintes on pense remettre en selle des phonèmes depuis longtemps désarçonnés. Espère-t-on récupérer de la sorte les locuteurs perdus ? Difficile à croire lorsqu’on sait que le français est omniprésent sur les scènes du quotidien actes et que c’est en français, évidemment, qu’est exigée la restauration du corse et son accès à la coofficialité en même temps que son inscription indélébile dans les commandements de la Constitution pour laquelle on bat le fer, aujourd’hui, à l’Assemblée de Corse. Pendant ce temps les corsophones fondent à vue d’oeil. Faut-il s’en inquiéter  ? Ou se bercer d’illusions ? Avec la structure mentale française qui est aujourd’hui la nôtre et qui pourrait résister à tous les lavages de cerveau imposés par une corsitude dont l’impérieuse nécessité commence à faire problème.

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