La campagne électorale française semble s’être spécialisée dans l’analyse des petites phrases alors que c’est le monde qui est en train de changer.
Un renversement de polarité
La campagne électorale française s’enfonce dans la bêtise la plus crasse. Je n’en veux pour preuve que cette polémique grotesque sur la viande hallal qui dérape sur la viande casher. Tout cela donne le sentiment que le candidat Sarkozy à force de galoper derrière le Front national ne maîtrise plus grand-chose et se met à dos une partie de son propre électorat. Le plus frappant est que personne n’évoque le gigantesque changement de polarité qui s’exerce dans le monde et qui influe sur nos propres opinions. C’est à la fin du Moyen-Âge que le monde occidental a assis sa suprématie sur le reste du monde : conquête des Nouveaux mondes, de la Chine, de l’Afrique etc. Le pillage de ces contrées a permis à l’Occident, grandement favorisé par un climat continental favorable à l’agriculture, de développer des technologies innovantes. La Grande-Bretagne, beaucoup plus libre dans ses rapports de classes entre la bourgeoisie et l’aristocratie, s’est libérée de la tutelle royale absolutiste en coupant la tête de son monarque cent cinquante ans avant la France. Puis, au prix d’une politique sociale d’une cruauté extrême, elle s’est lancée dans la filature et la conquête coloniale. La France, favorisée par une démographie dynamique, s’est imposée en Europe jusqu’au début du XVIIIe siècle. Elle a retrouvé un second souffle avec le Premier Empire puis s’est cherché quatre décennies durant. Néanmoins, cette richesse primitive des pays tiers transformée dans les manufactures européennes, a donné naissance au prolétariat moderne et à une véritable prospérité. Depuis 1975 le processus s’est inversé. Et ce n’est en définitive que justice. Mais cela a créé un sentiment de chaos, de déclin et de décadence en Occident favorisant les instincts nationalistes les plus primitifs.
Un conservatisme de mauvais aloi
Les États-Unis, dont l’histoire n’est pas liée au colonialisme européen, mais à ses propres conquêtes, se sont developpés en colonisant de manière indirecte l’économie mondiale tout en jouant la carte de la décolonisation contre le Vieux Monde. Beaucoup plus souples dans leur conception d’une société multiethnique et centrés sur l’efficacité avant tout, les États-Unis ont mieux résisté à la crise que la vieille Europe. Néanmoins, cette souplesse à un coût social terrifiant. 40 millions d’Américains vivent dans une misère absolue sans aucune couverture sociale. La problématique pour la France est aujourd’hui de faire un choix entre l’ouverture sur le monde en développement et notamment l’Asie ou alors de jouer les chiens de garde d’un capitalisme tout entier dévolu aux États-Unis. Aujourd’hui, Israël menace l’Iran de bombardement. Si cela devait arriver ce serait le monde musulman qui exploserait. Or à travers le cas très particulier de l’Iran, c’est bien du nouvel ordre mondial dont il s’agit. L’arme nucléaire a été jusque-là l’apanage des anciennes grandes puissances aujourd’hui déclinantes. Avons-nous tout simplement le droit de l’interdire aux pays émergents sous le prétexte que nous ne les trouvons pas à notre goût ? En dehors même de la simple question de principe qui est d’affirmer son refus de l’arme nucléaire, on se rend bien compte que demain la richesse et le dynamisme se trouveront du côté de ces pays qui, autrefois, étaient nos colonies. Nous allons devoir changer nos rapports avec eux faute d’être complètement dépassés. Le pire serait évidemment de nous refermer sur nous-mêmes et de croire que nos murs de barbelés pourront toujours nous protéger contre les deux tiers de l’humanité. Tels sont à mes yeux les véritables questions que devraient se poser les candidats plutôt que de savoir si les cantines sont approvisionnées en viande hallal. Mais ne rêvons pas. Une campagne électorale c’est un spectacle de menteurs contre menteurs dans laquelle la vérité est strictement bannie.
GXC