Accueil du site > Societe > L’Amérique sans remords
 

L’Amérique sans remords

jeudi 12 mai 2011, par Journal de la Corse

Des milliers de personnes sont sorties en pleine nuit pour applaudir à l’exécution d’Oussama Ben Laden par un commando de l’armée américaine renouant ainsi avec la tradition ancienne du lynchage. Mieux, les plus hautes autorités des États-Unis ont donné pour nom de code à cette opération homicide le nom de l’un des plus grands résistants indiens à la double oppression mexicaine et américaine. Une manière d’affirmer ce qu’il y a de pire dans la culture états-unienne.

Une opération homicide

Personne n’ira pleurer Ben Laden, seigneur de la guerre islamiste et à ce titre, connaissant le risque d’être tué par ses ennemis. Ben Laden avait vécu par le glaive. Il est mort par le glaive. Point final. Pourtant, certains détails de cette affaire donnent à réfléchir. Jusqu’à il y a peu les guerres représentaient la face noire de l’humanité. Ce qui avait lieu sur les champs de bataille était caché avant d’être réécrit et offert au public sous la forme de légende. Les États-Unis, avec cette curieuse indécence qu’exige la transparence, n’ont pas de telles pudeurs. Ainsi ont-ils officialisé la torture qui est devenue un moyen comme un autre d’obtenir des renseignements. Les autorités américaines laissent d’ailleurs entendre que c’est en tourmentant un responsable d’Al Qaida qu’ils ont pu repérer Ben Laden. L’exécution de Ben Laden qui, autrefois, aurait appartenu au monde très secret des services spéciaux, nous a été servie comme autrefois on rendait publique la mise à mort des brigands. Pour un peu et le monde aurait suivi en direct l’avancée des exécutants vers leur cible.

Une offense faite aux premiers habitants de l’Amérique

Mais le plus grave est peut-être ailleurs. Le président des États-Unis, issu pour moitié de la population noire, a accepté que l’opération homicide soit baptisée « opération Geronimo » du nom d’un chef Apache qui fut l’un des derniers à lutter contre la double occupation mexicaine et américaine. Ce sont en effet par les mots « Geronimo-EKIA », une contraction de « Geronimo Enemy Killed in Action » (« ennemi tué au combat »), que la Maison Blanche a été avertie de l’issue de la mission par le commando des forces spéciales de la Marine américaine. L’utilisation de Geronimo a soulevé les protestations de plusieurs représentants des communautés indiennes aux États-Unis. Le Congrès indien a rappelé par ailleurs que les États-Unis modernes ont été bâtis après le génocide des premiers habitants du continent américain, génocide qui n’avait rien à envier à celui commis par les conquistadores espagnols. Barak Obama a en effet oublié que, pour vider ces terres des tribus indiennes, les colons britanniques puis les Américains utilisèrent les massacres, l’alcoolisme et les épidémies sans que cela paraisse les gêner le moins du monde.

Un héros de la résistance indienne

Geronimo est né en juin 1829 en Arizona dans la tribu des Apaches Bedonkohe à Nodoyohn Canyon, au Mexique (actuellement Clifton, Nouveau-Mexique) près de la Rivière Gila. En 1858, après le meurtre de sa mère, de sa femme et de ses trois enfants par l’armée mexicaine près d’un village appelé Kas-ki-yeh par les Apaches, il entame la guérilla en territoire mexicain. Il venge sa famille le 30 septembre, jour de la Saint-Jérôme 1859. Les cris des Mexicains invoquant saint Jérôme (Geronimo ! Géronimo !) pour leur défense, l’inspirent et il prend alors ce nom : Geronimo. En représailles, les Mexicains tueront sa nouvelle épouse et son fils. En octobre 1862, il participe avec les chefs Cochise et Mangas Coloradas à la bataille d’Apache Pass. En janvier 1863, Mangas Coloradas malgré l’opposition de Géronimo, se rend dans la petite ville d’Apache Tejo pour y signer un traité de paix. Il y est torturé et assassiné. En 1871, après près de dix ans de guerre contre les États-Unis, les Apaches Chiricahuas, alors dirigés par Cochise, négocient à leur tour un accord de paix se rendent sur les conseils de Tom Jeffords. Ils obtiennent la création d’une réserve sur leurs terres. En 1876, la réserve Chiricahua cependant est fermée par les autorités américaines. La plupart des Indiens sont déportés vers la réserve de San Carlos, aride et désertique mais Géronimo refuse de céder. Il ne se rendra que dix années plus tard après avoir combattu l’armée américaine lancée à ses trousses. Jusqu’à sa mort en 1909, il regrettera de s’être rendu et stigmatisera les autorités américaines pour leur fourberie et leur lâcheté. Sa tombe au cimetière du camp militaire Fort Sill a été profanée vers 1918 par le groupe occulte de l’université Yale, Skull and Bones, qui conserverait encore actuellement le crâne, deux os, une bride et des étriers de Geronimo dans des locaux de l’ordre à New Haven. Au nombre des profanateurs se trouvait Prescott Bush, grand-père de l’ex-président Georges W. Bush. En 2009, année du centenaire de sa disparition, l’arrière-petit-fils de Geronimo a entrepris une action contre le gouvernement américain pour rassembler les restes de son aïeul et ramener sa dépouille auprès de son lieu de naissance au Nouveau-Mexique et faire ainsi respecter ses dernières volontés. C’est dire si les Etats-Unis ont été mal inspirés d’appeler l’opération homicide contre Ben Laden du nom de ce héros de la résistance indienne. Sauf à considérer que Ben Laden est lui aussi appelé à devenir une légende pour une partie du monde.

Gabriel Xavier Culioli

Répondre à cet article