Au fond, chez nous, ce n’est pas si mal !
La Justice américaine est un glaive et non une balance. Quant au système pénitentiaire US, mieux vaut ne pas le décrire si l’on veut conserver un ami américain.
Après l’affaire d’Outreau, le système judiciaire français et plus particulièrement le juge d’instruction, ont été fortement critiqués. Les différents épisodes judiciaires ayant suivi l’assassinat du préfet Erignac ont aussi ouvert la porte à une remise en cause de la Justice bien de chez nous. Quant au système pénitentiaire, il n’est pas non plus épargné. Certes, les critiques portées sont souvent justifiées. L’instruction conduite à Outreau est loin d’avoir été exemplaire. On peut s’interroger sur les méthodes des juges « anti-terroristes » et la légitimité de leur existence. Enfin, il serait anormal de juger favorablement une machine judiciaire et pénitentiaire qui n’est pas en mesure d’œuvrer efficacement à la réinsertion des détenus et à la prévention de la récidive. En revanche, depuis quelques jours, peu d’esprits normalement constitués ont envie de troquer la Justice et les prisons françaises, contre leurs homologues américaines. « Ce qu’un étranger comprend avec le plus de peine aux États-Unis, c’est l’organisation judiciaire » écrivait Tocqueville. Depuis le début de l’affaire DSK, ces mots ont un sens pour la plupart d’entre nous. On se dit qu’il n’est pas étonnant que cette organisation maintienne des dizaines d’années en prison ou envoie à la chaise électrique, des flopées d’individus dont le seul crime aura été la pauvreté. Par ailleurs, les informations concernant la prison newyorkaise de Rikers Island et savoir que les conditions de détention y sont moins inhumaines que dans certains centre pénitentiaires du Sud des USA, donnent à penser que la plus sinistre des prisons françaises est un modèle de confort et de respect des droits de l’homme.
Dura lex sed lex et basta !
Avec l’affaire DSK, nous avons pu vivre en direct les aspects effrayants d’une Justice qui se fonde sur l’application froide du droit, se pique de transparence, use d’un système accusatoire et se prête à libérer sous caution la plupart des criminels. Aux USA, le Droit est reconnu fondateur. La naissance de ce pays est en effet datée et consacrée par la proclamation de l’indépendance du 4 juillet 1776 et la Constitution de 1787. Ces deux textes forgent l’identité civique et l’ordre moral et l’on jure sur la Bible de s’y référer et de les respecter. Contrairement à ce qui se passe chez nous, aucune considération d’ordre politique ou sociétal ne peut altérer la force de la Loi, même si cela va à l’encontre de la cohésion sociale ou de la compassion. Dura lex sed lex et basta ! La Justice US est un glaive et non une balance. La transparence aboutit aux indécentes images de sorties de commissariat et d’audiences publiques diffusées depuis quelque jours à l’occasion de l’affaire DSK. L’absence d’un juge d’instruction, magistrat qui instruit à charge et à décharge, révèle que le pauvre bougre qui n’a pas les moyens de s’offrir les services d’un avocat de renom et d’une armée de détectives et d’experts, ne pourra jamais prouver son innocence. Enfin, il apparaît nettement que les plus modestes, faute de pouvoir verser une caution ou d’obtenir qu’elle le soit par un tiers, sont condamnés à croupir en prison au moins jusqu’à la date de leur jugement. Quant au système pénitentiaire US, mieux vaut ne pas le décrire si l’on veut conserver un ami américain. Rien n’est vraiment parfait chez nous mais ailleurs cela peut-être bien pire.
Alexandra Sereni