JUSTICE

jeudi 17 mars 2011, par Journal de la Corse

Décès Carine Acquaviva

Après la Corse, la Réunion

Le chirurgien-urologue mis en cause dans le décès en octobre 2006 de Carine Acquaviva après son accouchement fait à nouveau parler de lui. Sur l’île de la Réunion, où il exerce depuis 2007, le praticien devait effectuer une néphrectomie du rein droit sur un patient septuagénaire mais lui a ôté le rein gauche. Une erreur médicale qui a provoqué colère et exaspération de la famille de Carine Acquaviva qui attend toujours que la justice corse se prononce.

Colère, consternation et incompréhension sont les sentiments qui dominent les familles Betti et Acquaviva. Un fait divers, qui s’est déroulé sur une autre île française, a ravivé de pénibles souvenirs. Le 14 février, un patient âgé de 71 ans a subi l’ablation d’un rein du mauvais côté au centre hospitalier Félix Guyon à Saint-Denis de la Réunion. « Dès que nous avons appris cette tragique erreur, nous nous sommes dit que, hélas, nos prédictions s’étaient avérées fondées », dénonce Me Camille Romani, avocat de la famille de Carine Acquaviva.

Erreurs médicales réitérées

Le chirurgien auteur de cette dramatique inversion est en effet l’urologue qui a été mis en cause, avec un gynécologue et un anesthésiste, dans le décès de Carine Acquaviva quelques heures après avoir mis au monde son second enfant en 2006. Après la césarienne, le gynécologue suture par mégarde les deux uretères ce qui provoque une anurie mortelle. Après un rapport d’expertise accablant établi en 2008 dans le cadre d’une enquête préliminaire par un collège de professeurs, le juge d’instruction prononce une interdiction d’exercer d’actes chirurgicaux à l’encontre de l’urologue et de l’anesthésiste – le gynécologue ayant choisi de lui même de ne plus pratiquer d’accouchements –. Mais le médecin urologue fait appel de cette décision et obtient la levée de l’interdiction quelques mois plus tard. « Nous avions imploré la cour de ne pas lever l’interdiction, explique Me Romani. Les faits étaient suffisamment graves et dans son système de défense, ce médecin refusait de prendre conscience de ses responsabilités qui ont pourtant été mises en exergue de façon univoque par un collège d’experts. Il déclarait alors n’être à l’origine d’aucune maladresse, inattention, négligence ou manquement à la sécurité de ma cliente ». Le rapport d’expertise mettait également en lumière l’absence d’informations entre les praticiens et de concertation de chirurgiens plus aguerris. C’est pourquoi la famille de la patiente corse est en colère. « Nous sommes furieux, répète l’avocat. Les leçons des erreurs passées n’ont pas été tirées. Nous craignions la réitération de son incompétence et nous souhaitions protéger d’autres patientes éventuelles en insistant sur la nécessité d’empêcher cet homme d’exercer. Mais nous n’avons pas été écoutés ». La direction régionale du centre hospitalier a reconnu « une erreur médicale particulièrement grave » et a annoncé la suspension provisoire et immédiate du chirurgien. Une procédure disciplinaire va également être engagée et devrait a priori déboucher sur le licenciement de l’urologue incriminé.

Lenteurs judiciaires

La famille, outre sa colère et son incompréhension de constater que le praticien impliqué dans le décès de Carine Acquaviva puisse exercer et reproduire des erreurs, doit également être confrontée aux lenteurs judicaires. Depuis le décès de la jeune maman en octobre 2006, elle attend des réponses à ses nombreuses questions et espèrent que les fautifs seront punis. Et pourtant, cinq ans après, aucun procès ne s’est encore tenu. L’instruction a été clôturée en juin 2010 et le procureur de la république à Ajaccio, Thomas Pison, disposait alors de six mois pour prendre des réquisitions : un non-lieu ou le renvoi devant le tribunal correctionnel. « Neuf mois plus tard, je n’ai eu aucun courrier de sa part, regrette Camille Romani. Hasard du calendrier, l’avocat a adressé le 18 févier dernier, soit quatre jours après la mauvaise néphrectomie à la Réunion, un courrier au procureur. Dans cette missive, il s’étonne du silence de la justice. « Compte tenu du caractère extrêmement sensible des faits et de leur ancienneté, je considère qu’il est inadmissible que neuf mois après (…) le parquet n’ait pas pris ses réquisitions, écrit-il. (…) Comment ne pas comprendre que les ayants droits de la malheureuse victime souhaitent que pratiquement cinq ans après les faits, ce dossier connaisse enfin sur un plan judiciaire son dénouement ? ». Aujourd’hui, les familles Betti et Acquaviva espèrent que la tragique néphrectomie réunionnaise et sa médiatisation aboutisse à l’audience ment d’un procès. Etape judiciaire indispensable dans la douloureuse épreuve du deuil.

M.K

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