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Jeunesse mal aimée

mardi 22 mars 2011, par Journal de la Corse

Jeunesse

Cela faisait un moment que cela couvait. Le présent s’applique encore dans certains pays. Le ras-le-bol a fini par faire l’effet d’une cocote minute dont on a enlevé le couvercle trop tôt. Après l’autoritarisme, le chaos. « L’émeute est le miroir de l’État contemporain » ainsi que le disent les anthropologues. En novembre dernier, les jeunes étaient déjà dans la rue. Ils en ont marre d’être la variable d’ajustement des politiques. On les comprendrait à moins. Quels droits pour les jeunes qui ne semblent avoir que des devoirs pour leurs aînés… Après la lutte des classes, celle des générations ?

Problème de gouvernance

Certes ce qui se passe au Moyen-Orient n’a pas grand-chose à voir avec nous, n’étant pas sous un régime dictatorial. Mais si l’on y regarde de plus près, on peut y déceler quelques points communs, hors le contexte politique. Les émeutes révèlent un désaveu dans la classe dirigeante à représenter le peuple. Un des fils directeurs est celui de la jeunesse assassinée et cela touche aussi bien le Sénégal, que le Portugal, la Chine, la Grèce, le Brésil, la France… Autant de signes que la jeunesse enrage de ne plus être considérée comme l’avenir du monde, mais comme une menace pour l’ordre établi. L’exaspération populaire et celle de la jeunesse est une réponse du peuple à l’arrogance des pouvoirs étatico-financiers et d’une certaine forme « d’autisme » du monde politique. À l’heure du G20, où il est question de « gouvernance », entre autres, il serait dommage que les grands de ce monde poursuivent dans leur dispositif de gouvernement qui maintient le peuple à l’écart, les dirigeants ayant construit des sortes de forteresses autrement appelées bureaucratie, autoritarisme et discriminations diverses à l’égard des jeunes générations.

Nouveaux pauvres

Alors que le fameux panier de la ménagère se perce de plus en plus, que les bas de laine s’amenuisent, les écarts se creusent toujours davantage. Et les jeunes trinquent et font ceinture. Les étudiants dans la dèche, ça n’est pas une nouveauté. Mais lorsque l’on sait par les statistiques que le premier CDI n’arrive en moyenne qu’à 27 ans, comment s’étonner que les « Tanguy » prolifèrent ? Les nouveaux pauvres, ce sont eux, les jeunes, ainsi que l’indique l’Observatoire de la vie étudiante (OVE). Ils gagnent en moyenne 940 euros par mois, soit quasi le seuil de pauvreté. Un livre choc avait révélé que des étudiantes vendaient leurs charmes pour payer leurs études. Mais la précarité de certains étudiants, qui travaillent en parallèles est tout aussi scandaleuse. Ils sont dans une spirale d’échec puisqu’ils font des petits boulots pour payer leurs études, petits boulots mal payés pour lesquels ils sont obligés de sécher les cours, donc se retrouvent à échouer à leurs examens… En Corse, la situation des jeunes est moins difficile bien que la part d’entre eux sans diplôme ou au chômage reste relativement élevée.

Mal d’être jeune

Le dernier recensement de la population avait d’ailleurs pointé que la Corse manquait de jeunes. En 2006, l’Insee dénombrait 50 000 jeunes âgés de 15 à 29 ans habitant en Corse, avec pour spécificités une présence dans la population moindre qu’au niveau nationale ; ils y étaient moins scolarisés qu’ailleurs, en particulier après 18 ans dans la mesure où beaucoup de jeunes partent poursuivre leurs études sur le continent. Les jeunes adultes résidant en Corse étaient également moins souvent en emploi que sur le continent. D’où aussi des comportements extrêmes, comme la conduite ultra sportive, les excès en tout genre. La jeunesse va mal. Un constat que dresse aussi l’association départementale de promotion pour la santé de Haute-Corse*, notamment sur les comportements addictifs des jeunes, comme la forte dépendance aux jeux en ligne, de nouveaux cas d’addiction, en plus de la toxicomanie et de l’alcoolisme. Ces addictions attestent d’une peur de sortir de l’enfance et de l’adolescence, et coupent progressivement le lien social. Il faut dire que sortir de l’adolescence dorée pour plonger directement dans la précarité laborieuse n’est pas une bonne opération marketing. Quel rêve offrir aux jeunes, en dehors de payer la retraite des baby-boomers…

Maria Mariana

* CSAPA : 35, rue César- Campinchi 20200 Bastia. Tél. : 04 95 31 81 30 - email : adps@wanadoo.fr

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