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Italie : un nouvel esclavage

jeudi 20 octobre 2011, par Journal de la Corse

Alors que le pitre Berlusconi se couronne « seul recours de l’Italie » une Italie qu’il a mis en lambeaux, La Reppublica a enquêté sur le travail des enfants dans la région de Naples, la Campanie. Là-bas dans la patrie de la Camorra, c’est le tiers-monde en lisière de l’Europe. Mais c’est aussi la préfiguration de ce que prépare le libéralisme : un retour en Europe des emplois délocalisés mais sans régulation et à des salaires défiant la concurrence asiatique avec à la clef cet argument : ça vaut mieux que rien. Un esclavage moderne en définitive.

Moi Geppino, 11 ans

"L’école ? C’est pour les mioches. Geppino "tête brûlée" te défie des yeux. Pour ce Pinocchio à l’envers, l’école est clairement réservée aux petits. Il a troqué ses manuels scolaires contre des journées autrement plus dures et ne croit pas aux miracles. "Qu’est-ce que je sais faire comme métier ? Tout ce que tu veux. Du moment qu’il y a du travail", dit-il en lançant d’un air bravache des regards d’adulte. Son rire fuse. Un rire nerveux, inquisiteur, de défense. Nom : Giuseppe, dit Geppino. Âge : 11 ans. Un des 60 000 disparus du système scolaire en Campanie, la région de Naples. Peau olivâtre, mains fines. Un fichier parmi les dossiers noirs de l’éducation. "Apprenti" dans une imprimerie de l’arrière-pays. Baskets Nike orange et jeans de marque. "Seul mon tee-shirt est chinois, le bon je le porte le samedi pour pas le salir de sueur." Geppino gagne 150 euros par semaine. "Plus quelques pourboires, si je fais des livraisons." Ses collègues sont son unique famille. Il ne veut pas parler de sa mère. Son père, ancien routier, est en prison, condamné pour escroquerie. Le fils se souvient l’avoir accompagné de la banlieue de Naples au front de mer de Riccione, une station touristique branchée du littoral adriatique.

Les parents complices de l’exploitation de leur enfant

"C’était marrant de s’arrêter sur les aires de repos avec nos sandwichs. J’aimais bien dormir dans le fourgon aussi. Là-bas, c’est la première fois que j’ai vu autant d’hôtels. Et aussi des rangées de parasols bien droites. Pas comme sur les plages de chez nous où tout le monde rapporte ses chaises." Aujourd’hui Geppino vit chez ses grands-parents à Casalnuovo, une ville de la banlieue de Naples, touchée par les scandales immobiliers : pas moins de 29 immeubles, en partie démolis aujourd’hui, y ont été construits et même vendus illégalement il y a quelques années. Geppino, l’imprimeur ressemble à ces immeubles. Victimes d’une amnésie collective, témoins d’une complicité tacite. Combien sont-ils ces "braves garçons" que les familles laissent partir et que l’État fait mine de ne pas voir ? Une armée. Naples confirme son statut de capitale. Selon la fondation Banconapoli, 40 000 cas ont été recensés dans la seule aire urbaine. 

Mais, en croisant les données de l’ex-registre scolaire régional et des très précaires services sociaux, un scénario plus précis se dessine. "Les mineurs déscolarisés de plus de 14 ans sont environ 52 000 en Campanie", affirme Amelia Cozzolino, ancienne responsable de Suaris, l’ex-Programme de soutien à l’insertion, abandonné depuis un an par la région. Mme Cozzolino poursuit : "Naples et son département détiennent le record d’abandon de l’école dans les tranches d’âge les plus basses : 80 cas confirmés dans le centre-ville, dont plus de 50 enfants qui ont entre 6 et 7 ans. Beaucoup d’entre eux ont un handicap physique ou psychique. 

Avec la crise et les coupes budgétaires dans les programmes sociaux locaux, quel sort attend ces "ouvriers" invisibles ? Cesare Moreno, fondateur avec Marco Rossi-Doria de l’école de la rue, se méfie des classifications aux relents folkloriques. "N’allez pas chercher des enfants de 8 ans derrière les comptoirs. Cherchez plutôt l’énorme bataillon des adolescents qui tournent le dos à l’école pour grossir les rangs de l’économie souterraine où celle du crime organisé, parce qu’ils s’y sentent respectés."

GXC

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