Avec les téléchargements, surtout ceux dits « pirates », les gouvernements se sont empressés de répondre positivement à la demande de régulation des maisons de disque et autres producteurs. Il faut dire que depuis qu’Internet est devenu un média très populaire, la volonté de maîtriser la toile s’est avérée comme une nécessité. Mais à voir le tollé suite à la série de mesures prise par le gouvernement chinois pour réguler la diffusion des fichiers audio et vidéos sur Internet, force est de constater que devant cette mission, il est bon d’en reconnaître l’impossibilité, et de prôner d’avantage une sorte de régulation des contenus numériques, plutôt qu’une maîtrise d’une toile tissée au-delà des frontières. Alors que la loi anti-piratage fait débat, les inquiétudes ne tarissent pas et le spectre du « big brother » n’est jamais loin.
Enjeux multiples
Le réseau a pris une telle ampleur depuis qu’il est rentré dans le domaine public (n’oublions pas qu’il s’agit à l’origine d’une technologie issue de la recherche militaire américaine, inventée en 1967, et mise à la disposition du grand public au début des années 90), que les enjeux, pour les états, les entreprises et les particuliers, sont devenus multiples, autant politiques, que culturels, sécuritaires, financiers… D’où la diversité des acteurs en présence et les débats houleux qui suivent chaque tentative de régulation. Car le principe même de l’Internet, c’est qu’il y a de la régulation, de l’autorégulation, de la co-régulation, et du laisser-faire. Promulguer des lois ne pourra pas, par exemple, régler le problème des spams. La volonté législative, si elle peut trouver une légitimité, n’en demeure pas moins inutile pour certains des aspects de la toile. La question de la gouvernance de l’Internet ne pourra se régler que sur plusieurs niveaux, local, national et international, tant la toile est étendue et synonyme de mondialisation, qu’aucun pays ne peut prendre le risque de se couper du monde en freinant le développement du web à l’intérieur de ses frontières. C’est bien l’une des inquiétudes de la future loi « Création et Internet », avec le spectre d’un filtrage généralisé, un manque de contrôle judiciaire, une absence d’engagement concret pour le développement des offres légales…
Des organismes déjà en vigueur
Il existe déjà des entités chargées de s’occuper d’Internet. C’est le cas de l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), qui coordonne la conception des normes de fonctionnement du réseau et gère le système d’adressage qui permet à Internet de fonctionner de manière décentralisée. Ce qui est géré au niveau européen par le RIPE-NCC (Réseaux IP Européens - Network Coordination Center, organisation privée de droit néerlandais, dont les membres sont des opérateurs réseaux et fournisseurs de service Internet), soit le registre régional d’adresses IP qui dessert l’Europe et une partie de l’Asie, notamment au Moyen-Orient. Sans compter le Forum des droits sur Internet (FDI), association loi 1901, dont l’objectif est de mieux comprendre les enjeux du monde en réseau, identifier ses problématiques et y répondre efficacement. À quoi viennent s’ajouter les cellules de réflexion, au niveau local, régional, national, mondial.
Laissés pour compte
C’est d’ailleurs grâce à ce type de groupe de réflexion que peut se développer l’offre numérique sur l’île, qui faisait partie des laissés pour compte de l’Internet, alors que paradoxalement, et du fait de son isolement, la Corse est l’une des régions d’Europe les plus actives sur Internet. La fameuse « fracture numérique » ne concerne pas seulement une différence entre les pays. Elle s’étend aussi envers les habitants d’un même pays, voire d’une même région, puisqu’il existe encore des endroits en Corse qui n’ont pas accès au haut débit. Les intérêts économiques prenant le pas sur les enjeux sociaux. Car il ne faut pas oublier que pour l’heure, Internet n’est pas encore généralisable à toute la population. Et que s’il reste, pour l’instant, l’un des derniers bastions de liberté pour lequel de nombreux acteurs se battent, cet accès à ce média n’est pas total et démocratique, pas uniquement pour des raisons d’équipement, mais pour des questions techniques et financières, à grande échelle. Que les questions légales et législatives ne deviennent donc pas l’arbre qui cache la forêt.
Maria Mariana