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Inégalités : de quoi s’indigner !

jeudi 9 juin 2011, par Journal de la Corse

Inegalites

Nous ne sommes pas encore la Tunisie de Ben Ali mais nous en prenons le chemin à grands pas.

L’enquête sur « Les populations vulnérables en Corse » réalisée par la Direction régionale de la jeunesse et des sports et de la cohésion sociale et la Direction régionale de l’Insee fait mal. Elle souligne que la pauvreté économique, l’exclusion, la dépendance et l’isolement représentent le lot quotidien d’un quart des habitants de l’île. Sept publics fragiles ont d’ailleurs été identifiés : les personnes âgées, les familles monoparentales, les immigrés, les populations des ZUS (zones urbaines sensibles), les jeunes déscolarisés, les personnes handicapées et celles en grande difficulté sociale. Pour qui doutait encore que notre société soit entrée dans un processus de forte dégradation, l’enquête met l’accent sur deux données plus que signifiantes : la proportion de personnes vulnérables parmi les personnes âgées et les jeunes est plus forte chez nous qu’ailleurs en France. Nous ne pouvons donc plus nous prévaloir d’un cadre social traditionnel qui préservait les jeunes et les vieux du besoin.

De pire en pire pour les vieux

Concernant les personnes âgées, la situation est particulièrement grave. Le taux de bénéficiaires d’allocations supplémentaires vieillesse et de solidarité est trois fois plus important (17,8 %) que sur le Continent (5 %). Quant à la dépendance, elle est également supérieure à la moyenne nationale. Si l’on prend en compte l’ACTP (allocation compensatrice pour tierce personne), l’APA (allocation personnalisée d’autonomie), l’ASH (allocation versée si les revenus de la personne âgée et l’aide financière des enfants ne permettent pas de couvrir les frais d’hébergement en maison de retraite), la PCH (prestation de compensation du handicap pour les personnes âgées et handicapées) et la CMU (couverture maladie universelle), on aboutit à une proportion de trois fois plus de bénéficiaires chez nous que sur le Continent. Dans quelques années, cela risque d’être pire encore car, en 2040, un insulaire sur trois sera âgé de plus de 65 ans et un sur huit de plus de 80 ans. Seule consolation, les personnes âgées et seules sont moins nombreuses chez nous. En effet, 32,5 % d’entre elles âgées de plus de 75 ans habitent avec leurs proches, soit 7 % de plus que sur le Continent.

Les jeunes exclus de la manne touristique

La situation de la jeunesse montre une progression évolution très inquiétante.de la déscolarisation. En effet, seuls 60,2 % des jeunes de 18 à 21 ans sont scolarisés. Ce qui détermine une forte précarité et même un risque d’exclusion pour près d’un jeune sur deux. Les chiffres sont d’ailleurs plus que signifiants : la proportion de jeunes de 15 à 29 ans « non insérés » (ni emploi, ni scolarisation) est de 18, 8 % chez nous alors que la moyenne nationale est de 14 %. Il est à noter que les zones ayant les taux de fréquentation touristique et de tourisme résidentiel les plus élevés, sont les plus touchés par la déscolarisation : Porto-Vecchio (23,5%), Balagne (22, 2%), Valinco (23, 2 %), Aléria / Ghisonaccia (23 %). De quoi légitimement s’interroger sur la pertinence du tourisme de masse et de l’économie résidentielle. Plus globalement et si l’on prend en compte l’ensemble de l’enquête, de quoi s’indigner si l’on considère que du Cap à Bonifacio, quelques milliers de privilégiés, de spéculateurs et de compradores mènent grand train, ne s’en cachent pas et affichent la plus grande indifférence face à la montée des inégalités. Nous ne sommes pas encore la Tunisie de Ben Ali mais nous en prenons le chemin à grands pas…

Alexandra Sereni

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