Nous mettons volontiers et ceux qui la dirigent. Cependant elle est aussi le résultat de nos aspirations et de nos comportements.
A un moment ou à un autre, nous sommes tous des Indignés. D’ailleurs, nous sommes nombreux à avoir acheté « Indignez-vous ! », l’ouvrage de Stéphane HESSEL. Il a même souvent meublé nos conversations. Les hommes politiques n’ont pas été en reste pour s’en emparer. Certains semblent même y avoir trouvé la source d’une nouvelle inspiration sociale. Tout cela est fort bien et donne bonne conscience à vous, à moi et à eux. « Nous sommes tous des indignés ! » avons nous envie de crier, tout comme nous lancions hier : « Nous sommes tous des juifs allemands ». Et, dans la foulée, nous mettons en cause la société. Nous l’accusons des péchés et des maux dont nous souffrons. Nous reprochons à ceux qui la dirigent, les inégalités, les injustices et les exploitations qui accablent le peuple et nous-mêmes. Notre vision se fait manichéenne. Les gentils, c’est nous ! Les méchants, c’est eux ! Pourtant, cette société que nous accablons de nos reproches et vouons aux gémonies, est aussi le résultat de nos aspirations et de nos comportements.
Nous fréquentons l’argent sale
Nous nous indignons de la spéculation boursière. Fort bien. Pourtant, la France compte environ 5 millions de petits porteurs qui espèrent tirer profit de l’argent placé en Bourse, et que l’on n’a jamais entendu protester quand la spéculation rapportait gros. En effet, quand le Plan d’Epargne en Actions ou certains fonds de placements gérés par des banques, des assurances ou des mutuelles produisaient du profit à deux chiffres, aucun de leurs clients ne se préoccupait de savoir si ce rendement avait pour facteurs déterminants la délocalisation d’activités industrielles et le travail des enfants en Asie. Nous sommes scandalisées par les privilèges et les passe-droits des puissants. Pourtant, chez nous cela relève d’ailleurs de la culture la plus ancrée qui soit, nous n’hésitons pas à solliciter en permanence des élus, des connaissances ou des amis, pour obtenir un emploi, nous affranchir de certaines contraintes légales ou obtenir une faveur de telle ou telle autorité. Nous sommes scandalisés par « l’argent sale ». Pourtant, nous fréquentons sans la moindre gêne certains établissements dont nous savons très bien qu’ils relèvent du recyclage d’argent obtenu selon des méthodes plus que répréhensibles. Il arrive même que certains d’entre nous recherchent la compagnie des financeurs de ces établissements, ou se glorifient d’avoir été en classe avec eux.
Nous sommes friands de Made in China
Bien entendu, nous sommes tous opposés au travail clandestin qui prive de protection les travailleurs, fausse la concurrence et met à mal les régimes sociaux. Sauf quand certains d’entre nous font repeindre leur salon par un « portugais qui connaît bien son boulot et prend pas cher », confient la surveillance de leurs enfants à « la fille du voisin » ou demandent à « l’arabe qui refuse d’être déclaré mais travaille très bien » d’entretenir le jardin. J’ajoute que nous sommes tous consternés par notre société d’indifférence et de mépris pour autrui. Mais sommes-nous tous disposés à accorder un peu de notre temps ou de notre argent pour écouter ou aider les personnes âgées, les handicapés ou même des membres de notre famille ? A défaut d’être solidaires, peut-être sommes nous alors écologistes. La preuve : nous dénonçons le nucléaire, les pesticides agricoles et la Chine qui assassine le Fleuve jaune. Mais alors pourquoi sommes-nous aussi demandeurs ou friands d’air climatisé, de produits alimentaires bon marché et de marchandises Made in China vendues sur Internet ? Notons au passage qu’acheter sur le Net contribue à supprimer des centaines de milliers d’emplois, ce qu’évidemment nous fustigeons. En réalité, même si les puissants de la politique et de la finance ont un rôle prépondérant, nous avons une responsabilité dans l’état et l’évolution du monde qui nous entoure...
Alexandra Sereni