Accueil du site > Societe > Harcèlement moral : Ne vous laissez plus faire !
 

Harcèlement moral : Ne vous laissez plus faire !

jeudi 29 mars 2012, par Journal de la Corse

Deux millions de salariés sont victimes de harcèlement moral. Le monde du travail insulaire n’est pas épargné par ce fléau.

Ces derniers jours, le personnel de l’Office d’Equipement Hydraulique de la Corse s’est mis en grève et a exigé le renvoi du directeur l’accusant de « pression managériale ». La cause de ces événements a été la tentative de suicide d’une employée qui s’est sentie « humiliée ». De leur côté, la présidence et la direction de l’Office ont assuré pratiquer un réel dialogue social. Je me garderai d’émettre un jugement sur l’action ou la sincérité des parties concernées. En revanche, je considère que ce conflit a mis sur la table une question qui, sur notre île, reste peu évoquée : le harcèlement moral dans le monde du travail. En effet, alors que cette douloureuse question est devenue un sujet d’actualité au plan national - en particulier avec les suicides de salariés de grandes entreprises - elle est loin de susciter un même intérêt chez nous. Pourtant, si l’on interroge des médecins, ils reconnaissent que nombre d’arrêts de travail accordés à des salariés corses représentent la conséquence d’un mal-être au sein de l’environnement professionnel, et plus particulièrement de pratiques de harcèlement moral. Alors, pourquoi une « omertà » prévaut-elle encore ? La rareté et la précarité de l’emploi y sont pour beaucoup. En effet, un salarié craignant pour son emploi, hésite à dénoncer les avanies exercées à son encontre par la hiérarchie, un « petit chef » ou des collègues. De plus, sa dignité lui interdit souvent de révéler des faits qu’il croit être la conséquence d’une insuffisance professionnelle de sa part ou d’une incapacité de se faire respecter. Enfin, beaucoup de salariés ont du mal à faire la part des choses entre l’expression normale d’une autorité, et une forme d’arbitraire ayant pour objet de les abaisser ou les humilier afin de les rendre soumis ou serviles. Aussi, il est utile de connaître et faire savoir que le harcèlement moral est une violence identifiable et inacceptable devant être dénoncée.

La jurisprudence avec les victimes

Le harcèlement moral consiste, selon la loi, en des agissements répétés d’un employeur, d’un supérieur hiérarchique ou de collègues, portant atteinte aux conditions de travail, aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale, ou à l’avenir professionnel d’un salarié. Des exemples concrets peuvent d’ailleurs être extraits de la jurisprudence. Les juges ont condamné la réduction de salaire et l’enfermement dans des tâches subalternes imposés à un salarié suite à la reprise d’une entreprise. Ils ont fait de même à l’encontre d’un employeur ayant exigé d’un cadre des tâches de secrétariat (déqualification) et exercé des pressions récurrentes (isolement, injonctions paradoxales). Ils ont sanctionné un commerçant qui tenait des propos insultants ou orduriers à ses vendeuses en présence de clients. Ils ont jugé condamnable le directeur de cabinet d’un maire qui dévalorisait la personne chargée du protocole, en lui interdisant de lire la presse, la faisait passer pour menteuse, la convoquait puis prétendait ne pas l’avoir appelée, la changeait de bureau sans la prévenir. Ils ont sanctionné le fait d’adresser à un salarié quatre avertissements non fondés et ayant débouché sur une dégradation des conditions de travail. Enfin, ils ont estimé que relevait du harcèlement moral visant à obtenir la démission du salarié, la violence verbale (propos insultants, méprisants et humiliants prononcés devant les clients), les brimades (obligation d’enlever la poussière du plafond) et les gestes déplacés. Si vous ressentez être victime de harcèlement moral, réagissez ! Pour être conseillé ou défendu, vous pouvez faire appel à votre employeur s’il n’est pas l’auteur des avanies, au Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail, aux délégués du personnel, à votre organisation syndicale, au médecin du travail ou à l’inspecteur du travail. Et surtout ne vous laissez plus faire !

Alexandra Sereni

Répondre à cet article