Les grandes sociétés implantées en Corse seraient-elles en train de lâcher notre île où se livrent-elles à un chantage destiné à obtenir toujours plus de fonds publics ? On est en droit de se le demander alors que tous les voyants en matière d’énergie et de transport sont au rouge.
Des transports à la dérive
La nouvelle traînait déjà depuis plusieurs semaines dans les rédactions de journaux économiques : Veolia s’apprête à larguer sa branche transport. Le nouveau PDG, Antoine Frérot a dressé son plan de bataille : alléger la dette qui pèse aujourd’hui 15 milliards, se recentrer sur deux moins de pays et sur les activités de l’énergie, de l’eau et de la propreté. Pour la Corse, la vraie question est désormais de savoir ce qu’il va advenir de la SNCM dont Veolia est l’actionnaire majoritaire derrière l’état ? Mais le défi de la Corse en matière de transport est désormais global. À l’interne, l’unique chemin de fer corse est en déshérence et ne peut survivre sans la manne publique. Les compagnies low cost comme les compagnies régulières exigent des subventions toujours plus coûteuses pour le contribuable. Dans le domaine maritime, alors que nous sommes assez fous pour entretenir cinq ports et quatre aéroports, la Corse paraît avoir perdu sa boussole. Tandis que la crise prend de l’ampleur, la création d’une compagnie régionale semble s’éloigner. Car le contexte économique ne semble guère favorable à une telle initiative qui, partout ailleurs en Europe a débouché sur des échecs commerciaux patents. En Sardaigne, la compagnie publique Tirrenia a été déclarée insolvable comme la Seafrance, l’un des principaux employeurs du Nord de l’hexagone.
Air France en ordre de bataille sociale
Côté ciel, ce n’est guère mieux. La direction d’Air France est bel et bien décidée à ne pas céder aux indignés corses tout simplement parce qu’elle s’apprête à lancer une vague de licenciements sans précédent dans la France entière qui aboutira à la disparition de 10% de ses effectifs. Malgré des décisions de justice favorable à l’intégration des CDD, les élus corses sont dans ce domaine extraordinairement discrets tandis que les nationalistes semblent soutenir du bout des lèvres. Or c’est l’avenir de notre île qui se joue dans les semaines à venir. De la bataille frontale engagée entre la direction d’Air France et les travailleurs de cette entreprise sortira la carte des transports futurs entre la Corse et le reste du monde. S’ils perdent nous serons un peu plus isolés. On ne peut cependant occulter le fait que cette crise signifie aussi la fin de la période glorieuse ouverte par l’après-guerre. Le prix des transports ne correspond tout simplement plus à la réalité économique. Hier, l’argent public compensait les différences. Aujourd’hui, ça n’est plus possible. Il va falloir accepter l’idée qu’avec l’augmentation de la dette, les distances se sont allongées pour la plupart d’entre nous. Au nom de la démocratisation et de la « libre » concurrence on a tiré les prix vers le bas faisant jouer des low costs largement subventionnés par les états et par l’Europe, ces fameux low costs vantés par le président de la République et salués par une partie de la classe politique insulaire, nationalistes compris.
Les marchés et les grandes compagnies hors la loi
La compagnie low cost Ryan Air avait initié une forme de chantage en direction des services publics (si vous ne cédez pas à mes exigences je me retire de Marseille). Ce sont désormais les grandes compagnies qui emboîtent le pas de la légalité marginale. Air France refuse de se plier à des décisions de justice, quitte à payer le prix fort, parce qu’Air France veut diriger son entreprise comme un patron de droit divin et jouant sur la précarisation des emplois.
Les marchés font leur loi
Ceux qui, en Corse, traînent des pieds pour soutenir les Indignés n’ont rien compris à l’enjeu de la bataille frontale qu’est en train d’engager Air France. Son issue est décisive pour les travailleurs des transports qu’ils soient corses ou pas. Et la bataille ne sera pas remportée dans la seule Corse. Elle sera le fruit d’une solidarité entre travailleurs de Corse mais aussi de Marseille, de Paris etc. Si la division syndicale persiste, la défaite est inéluctable et elle annoncera une débâcle générale. Car derrière les manœuvres des uns et des autres, ce sont les marchés qui font la loi. Or la Corse est de moins en moins rentable à l’exception du terrain de la spéculation immobilière. C’est aux politiques désormais de plancher sur l’avenir, ces mêmes politiques qui, il y a encore quelques mois ne juraient que par le Galsi. C’est dire si la partie engagée s’avère difficile.
GXC