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Giacobbi / Bucchini : cordialement vôtres…

jeudi 9 juin 2011, par Journal de la Corse

Giacobbi bucchini

Paul Giacobbi et Dominique Bucchini trouvent, malgré leurs différences, des terrains d’entente et de compromis pour conduire une majorité à la fois relative et hétéroclite.

A ma droite, Paul Giacobbi. A ma gauche, Dominique Bucchini. Les deux principaux responsables de la Collectivité Territoriale forment un tandem de prime abord assez improbable. Rien dans leurs parcours personnel et politique ne semblait les prédestiner à gouverner ensemble. Paul Giacobbi, le cadet, est né il y a 54 ans dans la région parisienne. Il appartient à une des lignées familiales qui font la pluie et le beau temps politiques corses depuis au moins un siècle et trois Républiques. Son ADN idéologique est le radicalisme de gauche des notables provinciaux éclairés, qui fonde la pérennité de l’ordre établi sur une formidable capacité de produire de l’esprit républicain et de la solidarité sociale. Il a fait ses humanités à Paris dans les prestigieux lycées Louis-le-Grand et Henri-IV, à l’Institut d’études politiques puis à l’École nationale d’administration. Sa qualité d’administrateur civil lui a ouvert les portes des cabinets ministériels et de la haute administration. Ses filiations familiale et idéologique lui ont rendu plus facile d’être successivement élu maire et conseiller général de Venaco, conseiller exécutif et président de l’Office de l’Environnement aux côtés de Jean Baggioni, qui présidait alors le Conseil exécutif, conseiller général de Venaco et président du conseil général de la Haute-Corse, député de la 2e circonscription de la Haute-Corse. Depuis avril 2010, il préside le Conseil exécutif de Corse. Dominique Bucchini, l’aîné, a vu le jour il y a 68 ans à Sartène. Son berceau politique et son bréviaire idéologique ont été la lutte des classes et le communisme. Professeur d’histoire et de géographie, il a fait ses classes militantes au Parti communiste en région parisienne. Ayant regagné la Corse durant les années 1970, il a successivement conquis les mandats de conseiller municipal, de maire puis de conseiller général de Sartène, de conseiller à l’Assemblée de Corse, de vice-président de la première Assemblée de Corse lors de la présidence du radical de gauche Prosper Alfonsi. Son verbe haut et ses propos acérés, mais aussi sa convivialité et ses formules imagées, ont contribué à en en faire un acteur politique incontournable et écouté aussi bien au sein de son parti qu’à l’échelle de la Corse. Sa notoriété de militant combattif ayant franchi les limites de l’île, le Parti communiste, en le mettant en bonne place sur ses listes, lui a permis d’être élu député européen. Depuis avril 2010, il préside l’Assemblée de Corse.

Un fossé paraissant infranchissable

Quelques mois avant les Territoriales, ces deux personnalités ne paraissaient guère en mesure de s’entendre. Paul Giacobbi était régulièrement cité dans les médias comme pouvant devenir ministre au titre d’une ouverture à gauche alors encore chère à Nicolas Sarkozy. L’intéressé ne démentait pas et ne cachait pas apporter ses conseils à l’Elysée en matière de compréhension de la crise économique et sociale et de régulation du système financier. De son côté, Dominique Bucchini tirait à boulets rouges sur la politique Sarkozy / Fillon. Lors de la préparation du scrutin territorial, de la constitution des listes et de la campagne du premier tour, le fossé entre les deux hommes semblait infranchissable à jamais. Alors que Paul Giacobbi participait à d’interminables tractations visant à unifier la gauche, Dominique Bucchini a préféré très tôt faire cavalier seul. S’appuyant sur le Front de gauche, il a débuté très tôt une campagne de combat. Lors de plus d’une centaine de réunions publiques dans les villes et les villages, il a affiché les valeurs de la gauche, pourfendu le libéralisme, dénoncé la politique antisociale Sarkozy / Fillon et le bilan négatif du duo sortant Ange Santini / Camille de Rocca Serra. Ce positionnement tranché a permis à la liste conduite par Dominique Bucchini de capter des électeurs bien au-delà du vivier électoral communiste, aidé en cela par la composition d’une liste Paul Giacobbi / Parti Socialiste ayant fait la part belle à des colistiers pouvant être classés au centre ou à droite. Pour tailler quelques croupières de plus à ses adversaires, Dominique Bucchini n’a pas hésité à se revendiquer de la « seule liste propre », voulant signifier ainsi qu’aucun des ses membres n’était ni de près, ni de loin susceptible d’être lié à des activités relevant du grand banditisme ou de la violence clandestine. La démarche offensive de Dominique Bucchini s’est avérée gagnante. La liste Front de Gauche a obtenu plus de 10 % des voix au premier tour. Ce résultat a contraint Paul Giacobbi à une fusion de listes au second tour faisant la part belle au Front de Gauche et garantissant à Dominique Bucchini la présidence de l’Assemblée de Corse.

Gestion positive des différences

Depuis 2010, Paul Giacobbi et Dominique Bucchini « cohabitent ». Faisant mentir les Cassandre qui prédisaient des rapports conflictuels, le président du Conseil Exécutif et le président de l’Assemblée de Corse trouvent, malgré leurs différences, des terrains d’entente et de compromis pour conduire une majorité à la fois relative et hétéroclite. Le Yalta entre les deux hommes qui a été conclu à Venaco, lors de la réunion ayant abouti à la fusion des listes de gauche, se révèle solide. Il permet l’avancée de chantiers importants comme les Assises du foncier et vient même de déboucher sur une proposition de toilettage du statut du Conseil exécutif visant à ce que le départ du président ne mette pas à bas l’ensemble du conseil et à ce qu’un remaniement de l’équipe exécutive permette aux partants de retrouver leur siège à l’Assemblée de Corse. A ce jour, au vu de leurs capacités à gérer positivement les différences de leurs parcours et de leurs positionnements, Paul Giacobbi et Dominique Bucchini apparaissent comme les Brett Sinclair et Danny Wilde de la politique corse. Cordialement vôtres jusqu’en 2014. Cela n’est pas écrit mais relève d’une forte probabilité.

Pierre Corsi

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