Pour les collectivités locales, l’heure des vaches grasses est passée. Pas « d’exception insulaire », la Corse doit compter avec les politiques européennes et nationales de réduction des déficits des Etats.
Conseil d’ami : lors des prochaines cantonales, ne fondez pas votre vote sur les belles promesses. Tous les candidats qui vous auront séduit en faisant miroiter des perspectives d’emplois au Département, de subventions à gogo pour les associations ou de renouveau cantonal à partir de belles routes et de « sous pour la commune », vous décevront énormément une fois élus. Il faut que vous le sachiez et l’admettiez, les élus départementaux, tout comme d’ailleurs ceux de la Collectivité Territoriale et des communes, sont presque nus. Les caisses des départements ne permettent plus aucune largesse. Pire, si les élus chargés de les gérer ne tiennent pas compte de la situation dès les mois et les années qui viennent, vous les maudirez quand vous prendrez connaissance du montant de vos impôts locaux. L’heure est à la maîtrise des dépenses publiques, c’est-à-dire à une utilisation rationnelle et productive de l’argent de nos impôts. Alors, n’hésitez pas, votez pour celle ou celui qui vous apparaît le plus en mesure de prendre conscience de cette réalité. Et si le sortant vous semble incapable d’agir en ce sens, n’hésitez pas, sortez-le ! Presque plus que les yeux pour pleurer, n’en rajoutez pas en élisant un incapable ou un démagogue. Osez écarter l’élu en place s’il ne fait plus l’affaire ou le prétendant qui ne la fera jamais. Tout cela peut sembler alarmiste. Désolé, tout est cruellement vrai ! Pour les collectivités locales de France, l’heure des vaches grasses est passée et cela vaut pour nos communes, nos intercommunalités, nos départements et notre Collectivité Territoriale. Il n’y a pas « d’exception insulaire » ! La Corse doit compter avec les politiques européennes et nationales de réduction des déficits des Etats. Que la gauche l’emporte l’an prochain n’y changera pas grand chose. Seules la répartition des efforts à produire et la définition des priorités seront modifiées. Dès cette année, la loi de finances qui détermine la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges, ainsi que l’équilibre budgétaire et financier, prévoit de ramener le déficit de l’Etat à 6%. Pour y parvenir, les pouvoirs publics misent d’abord sur la limitation des dépenses. Cet objectif trouve certes son illustration la plus médiatique dans la décision de ne pas remplacer un fonctionnaire d’Etat sur deux qui part à la retraite. Mais on peut aussi noter le gel des dotations de l’État aux collectivités locales, qui affectera leurs marges de manœuvre financières. De plus, certaines coupes sombres concernant des missions de l’État, devront être compensées par les collectivités locales. Il incombera à ces dernières de mettre la main à la poche pour soutenir l’écologie, le logement, la solidarité, l’insertion, la sécurité…
La Haute-Corse à la peine
Vitre serviteur n’est d’ailleurs pas le seul à constater la fin du bon temps. Des conseillers généraux de Haute-Corse viennent eux aussi de tirer la sonnette d’alarme. De plus, ce qui est particulièrement signifiant, ils l’ont fait concernant un dossier hyper sensible : l’entretien du réseau routier départemental. En effet, chez nous, chacun sait qu’être élu ou réélu conseiller général, nécessite de savoir drainer vers son canton des crédits pour y maintenir en bon état le réseau routier. Dans l’île, et plus encore dans les cantons ruraux, une route en bon état est autant une voie de circulation et d’échanges, qu’un signe extérieur d’influence politique, d’efficacité et de réussite de l’élu local. Or, il semblerait que le Conseil général de la Haute-Corse ne soit plus en mesure de faire face aux besoins. Selon le rapporteur de la commission des infrastructures routières, la faute première en incomberait au prix exorbitant de l’enrobé. Les collectivités locales insulaires paieraient la tonne d’enrobé plus de 130 euros, ce qui en ferait la plus chère de France, loin devant les Alpes-Maritimes (90 euros), le Cher (60 euros) ou l’Alsace (50 euros). De quoi, bien entendu, conduire à incriminer le handicap de l’insularité, le manque de concurrence ou des ententes illicites. Mais de quoi également mettre en cause la gestion des élus. En effet, s’il s’avère, comme le soutiennent d’ailleurs certains conseillers généraux, que le prix à payer est justifié par des conditions spécifiques d’exécution des chantiers, peut-être convient-il de s’interroger sur l’opportunité de certains travaux. La Haute-Corse devant entretenir un réseau routier de plus de 2 500 km dont des centaines desservant selon plusieurs parcours et accès difficiles des localités désertiques, il serait sans doute pertinent de simplifier ce réseau en élaguant les tronçons les moins utilisés et les plus accidentés, tout en se donnant pour règle de garantir au moins un accès au village le plus désertique ou le plus reculé. Le président du Conseil général sachant désormais n’avoir plus les moyens financiers de résoudre les problèmes routiers, on peut légitiment attendre de lui et de sa majorité des solutions préservant l’essentiel, tout en n’ayant pas recours à la fuite en avant fiscale.
Pierre Corsi