MARBRE BLANC ET CHAPEAU ROND Querelle à Venise. La grande statue de marbre blanc de Napoléon, au bras droit tendu y est revenue après deux siècles. On l’a vue débarquer sur les quais du port, encadrée et protégée dans une sorte de caisson en verre blindé transparent. Bonaparte avait conquis la ville et mis fin à la République des Doges. Puis le nouvel Etat Vénitien fut supprimé lors du traité de Campoformio par lequel se termina, en octobre 1797, la campagne d’Italie. Il reconnaissait à la France, la Belgique et la rive gauche du Rhin et donnait la Vénétie à l’Autriche. Il créait aussi la République cisalpine. Pendant l’intermède entre les Doges et l’Autriche, la statue de Napoléon avait été dressée sur la place Saint Marc, puis enlevée par les Autrichiens. Sa trace avait été ensuite perdue depuis un siècle. Elle avait été récemment retrouvée dans la villa d’un milliardaire à Los Angeles et mise en vente par Sotheby’s lors de la dispersion aux enchères des biens de la succession. La municipalité et le maire de Venise considèrent que la statue fait partie du patrimoine de Venise et se proposent de la replacer là où elle fut, sur la place mais en retrait de la façade de l’église Saint Marc. Ce patrimoine de Venise est un des leurs atouts culturels pour le développement du tourisme et l’aura de Napoléon ne peut qu’ajouter par sa statue aux richesses de la ville sans porter atteinte à la vérité historique. Les nostalgiques de l’indépendance de la République des Doges s’accrochent à un passé révolu depuis deux siècles et gardent rancune à Bonaparte de l’avoir abolie. Mais cette opposition ne paraît pas de nature à contrarier la municipalité qui a dépensé une fortune pour acquérir la statue. Décidément, Napoléon enrichit bien des patrimoines. Il en est ainsi pour le chapeau qu’il portait lors de la campagne de Russie. Son propriétaire, richissime homme d’affaire québécois l’a légué au musée des beaux arts de Montréal avec 80 autres objets napoléoniens. Rien que le chapeau était estimé par Sotheby’s entre 600 000 et 800 000 euro. Les grands amateurs de souvenirs napoléoniens se jettent sur ceux-ci sans lésiner à la moindre vente mais les bicornes authentiques de l’empereur sont devenus introuvables pour les acquéreurs éventuels. Six d’entre eux figurent au Musée de l’Armée. Le premier porté par le Premier Consul avait été donné par celui-ci à Constant son valet de chambre, avant de parvenir au musée. Le voici décrit par Constant lui-même : «  Son chapeau était en castor, extrêmement fin, très léger ; le dedans était doublé de soie et ouaté. Il n’y portait ni glands, ni torsades, ni plumes mais simplement une ganse étroite de soie plate qui soutenait une petite cocarde tricolore.  » Constant devait briser les chapeaux confectionnés par Poupard, en les portant quelques jours avant de les donner à l’empereur. Napoléon avait une tête plutôt forte au physique, mais il n’a pas eu la «  grosse tête  » au sens moral. Il ne donnait pas dans le clinquant, malgré les exigences de la majesté impériale. La statue de Venise est l’image de cette suprématie représentative. L’image de l’homme du système pompeux de la souveraineté. Seul à porter le chapeau rond, dans l’alignement des épaules sans plumes et la redingote grise sans aucune chamarrure, les hommes de troupe le distinguaient de loin dans les batailles. En novembre prochain le chapeau donné en 1808 au général Mouton sur le champ de bataille d’Esling sera présenté dans l’exposition du musée de la ville de Saint-Louis dans l’Etat du Missouri, aux Etats-Unis. Le chapeau aussi célèbre que la redingote grise, attire toujours les foules à travers le monde. Une image si bien rendue par «  l’Ajaccienne  »Â : «  Il portait la capote grise, le sabre turc, le chapeau rond   »Â ! Marc’Aureliu Pietrasanta Â