DEMOCRATIE ET ECONOMIE L’Irlande, pays de l’Union européenne, au bord du gouffre. Donné en exemple d’efficacité et de vertu économiques, il y a quelques années seulement. Une façade dissimulant une réalité d’endettement colossal, avec un déficit budgétaire de plus du tiers de son Produit intérieur brut. L’Union européenne et le FMI sont venus à la rescousse dare-dare. Les marchés le prêtant plus à l’Irlande, les Européens ont, sur le champ, prêté une centaine de milliards à la débitrice qui devra les rembourser eux aussi. Crainte de l’effet domino. Sauver l’Irlande c’était sauver l’euro et la zone euro menacée d’éclatement. « C’était, a dit Angela Merkel, sauver le paix. » La prospérité factice des Irlandais reposait sur un système étatique simple. L’endettement permettait à l’Etat de réduire à 12,5% l’impôt sur les sociétés (Il est de 33% en France) et sur une économie fondée sur l’immobilier, ainsi favorisé par des taux d’intérêt faibles. Le Portugal et l’Espagne, qui se trouvent également dans le collimateur des marchés, ont eux aussi l’immobilier à taux d’intérêt bas comme moteur économique. La Grèce avait triché et truqué ses comptes. On pouvait ainsi y prendre sa retraite à 53 ans. Comme en Grèce, l’austérité frappera les Irlandais soumis à des conditions de règlement très rigoureuses. L’Irlande y perdra une parie de sa souveraineté. Derrière les mesures douloureuses du traitement de la dette apparaissent des choix fondamentaux à faire. Ou bien poursuivre la construction européenne en complétant la création de la monnaie unique par un centre de coordination budgétaire à côté de la Banque centrale européenne et assurer la stabilité de la zone euro ou bien se résoudre à ce qu’il n’y ait pas d’Europe et prendre le risque d’une débandade des devises européennes. Déjà, le président du fonds monétaire international, Strauss Kahn, a déclaré que l’Europe devait se doter d’une stratégie de croissance et d’une coordination financière. Mais un enjeu politique plus profond encore est en cause. Celui de l’avenir de la démocratie en Europe confrontée à la démagogie politique qui la mine. On comprend combien il est facile pour un politicien d’acheter sa réélection avec la dette publique. C’est le problème des cycles électoraux et des promesses d’un avenir meilleur à bon compte. Mais la chancelière allemande a eu raison de dire que l’enjeu était de sauver la paix. Elle n’a pas oublié que l’effondrement du deutsche mark dans les années trente du siècle dernier avait entraîné l’arrivée au pouvoir de la dictature nazie et les horreurs de la seconde guerre mondiale. Elle a jeté, à sa manière, le vieux cri des Républicains de Rome : « Caveant consules ! » (Que les consuls prennent garde !) C’est ce qu’elle a dit, en quelque sorte, à ses collègues dirigeants politiques des nations européennes. Marc’Aureliu Pietrasanta