PARFUMS ET TAMBOURS
« C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar….…. » Célèbre début de « Salambò » roman historique de Gustave Flaubert. Thème : la « Guerre des Mercenaires » soutenue par la cité africaine contre ses mercenaires insurgés parce que leur solde n’avait pas été payée. « Les Mercenaires », catégorie de soldats vieille comme l’Histoire ! Etrangers recrutés pour combattre dans les conflits armés, bénéficiant d’avantages supérieurs à ceux des combattants habituels. La participation des Libyens à la lutte des rebelles, donna à celle-ci l’aspect d’une révolte sociale. La Lybie était alors un territoire de Carthage. Et voilà qu’aujourd’hui l’histoire antique se rappelle à nous dans ces mêmes lieux par une nouvelle guerre de Mercenaires, avec cette seule différence que ceux-ci sont à la solde de l’Etat de Mouammar Kadhafi, et se battant contre des insurgés. L’aspect de guerre civile subsiste. L’Etat-Cité de Carthage l’emporta. Aujourd’hui, les combats se poursuivent et le sort n’a pas encore tranché ente les combattants au moment où ces lignes sont écrites. Le métier de mercenaire fut toujours une occasion pour les pays pauvres d’exporter leur jeunesse faute de mieux. En Europe ce furent les Ecossais, les Suisses, les Croates et les Corses qui fournirent les plus gros contingents de ces hommes d’armes. Au XIVe siècle, ils sont déjà devenus une institution dans les armées. Ce sont les « Grandes compagnies » à la solde des princes, se livrant au brigandage lors des trêves. Les livres d’histoire enseignent les ravages de celles-ci en France jusqu’au jour où Du Guesclin les conduisit en Espagne pour les mettre au service du prétendant au trône de Castille, Henri de Prestamare. Au XVIe siècle, avec la Renaissance italienne et les condottieri ces « Compagnie di ventura » sont en plein essor. Les « bande nere » de Jean de Médicis réalisent des miracles de valeur militaire. Elles avaient une très grande réputation à travers la France et l’Angleterre. Sampiero Corso était un des capitaines de ces mercenaires des bandes noires. Ses exploits tiennent du poème et de la légende. François 1er le fit colonel de trois régiments et puis de sept compagnies corses. Les Corses furent également les mercenaires de la garde du Pape, pendant près d’un siècle, jusqu’au milieu du 17e siècle. Raphaël Giustiniani enrôla 1200 à Bastia en 1592 au service de Venise, pour la guerre de Candie. Il succéda à son frère comme colonel du régiment corse avant de se faire tuer, comme son frère, sur le champ de bataille, contre les Turcs. Pompée Giustiniani, fils et neveu du précédent entra lui aussi au service de la Sérénissime République en1614 et fut promu lui aussi colonel des Corses et assura le commandement des armées vénitiennes de terre ferme avec le titre de général. Il fut tué au siège de Gorizia en 1616. Le régiment du Royal Corse, commandé par Buttafuoco, a servi les Bourbons sous Louis XV. Terminons cette liste non exhaustive par les mercenaires corses qui formaient une unité au service du roi de Grande Bretagne et par la Légion Corse de 3000 hommes qui s’illustra dans le Royaume de Naples au temps où Joseph Bonaparte en était le roi. Revenant à l’actualité méditerranéenne, on se gardera bien de vaticiner. Il était impossible de prévoir, voici quelques décennies, que ces pays, libérés du colonialisme, tomberaient aussitôt sous le joug de dictateurs nationalistes corrompus qui les maintiendraient dans la misère et l’oppression. Les révolutions du jasmin du voisin peuvent se transformer en bain de sang comme en Lybie. On souhaitera seulement à ces populations de pouvoir entonner un jour, elles aussi, l’hymne à la joie, loin des tambours de guerre.
Marc’Aureliu Pietrasanta