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Evolution institutionnelle Revoilà Aland !

jeudi 26 mai 2011, par Journal de la Corse

Les nationalistes entendent pousser les feux de la revendication autonomiste. Leur volonté est d’aller vite et loin.

La majorité territoriale a chargé Pierre Chaubon d’animer la Commission des compétences législatives et réglementaires. L’objectif imparti à cette commission est de soumettre au gouvernement une adaptation institutionnelle en s’inscrivant dans le cadre de la réforme nationale sur les collectivités locales. Pierre Chaubon ne ménage pas sa peine. Il fait appel à des experts et est preneur de toutes les contributions. Son souhait est d’aboutir à un large consensus au sein de la commission puis de l’Assemblée de Corse. Il apparaît certain qu’une évolution sera inévitable et que la Corse conservera une spécificité institutionnelle par rapport aux autres régions françaises, et ce pour au moins deux raisons. La première est que la nécessité que soient représentée des sensibilités minoritaires mais pouvant être extrêmement agissantes, impose que toute évolution touchant l’échelon régional préserve un mode de scrutin à forte dose de proportionnelle. La seconde est que si les mêmes élus sont appelés à siéger à l’Assemblée de Corse et au Conseil général, il faudra veiller à ce que le camp nationaliste puisse conserver une représentation à la hauteur de son poids électoral. En effet, si des scrutins micro-régionaux (calqués sur les territoires des cantons ou des intercommunalités) devaient aboutir à réduire considérablement le nombre d’élus nationalistes, le danger serait grand de voir revenir en force la violence politique. On le voit, la tâche de Pierre Chaubon n’est pas simple. La difficulté est encore accentuée par le fait que les nationalistes, forts des 36 % de suffrages qu’ils ont réunis lors des élections territoriales de mars 2010, entendent pousser les feux de la revendication autonomiste. En ce sens, depuis quelques semaines, tous les mouvements nationalistes montent au créneau pour exprimer leur volonté d’aller vite et loin. Ils sont d’ailleurs encouragés par le récent rapport de la « mission Aiello » dont la création a été approuvée par le Président de la République. Cette mission universitaire de réflexion stratégique propose de dépasser le cadre institutionnel actuel et place les préconisations d’autonomie et de citoyenneté culturelle au cœur du débat public. Avec le cadre d’autonomie, l’objectif serait d’aboutir à la reconnaissance de la spécificité historique, politique et culturelle de la Corse dans l’ensemble français, et aussi au droit pour l’île de défendre ses intérêts afin de se garantir les moyens d’un développement durable. Quant à la citoyenneté culturelle, elle ne serait acquise que par les individus justifiant de certaines compétences culturelles et linguistiques et d’une résidence continue en Corse durant une période de dix ans. Par ailleurs, l’accès à la citoyenneté culturelle serait nécessaire pour jouir d’un accès à la propriété foncière et immobilière et à une appartenance au corps électoral corse.

Statut d’autonomie initié par la Société des Nations

Le PNC (Partitu di a Nazione Corsa) a, en avril dernier, très explicitement affirmé la volonté nationaliste d’exploiter à fond un rapport de forces qu’il juge favorable à une évolution autonomiste. Une importante délégation de ce parti a participé à l’assemblée générale de l’ALE (Alliance Libre Européenne) qui fédère plus de 40 partis nationalistes ou autonomistes d’Europe et compte 7 députés européens. Cette participation massive a de plus revêtu un caractère hautement symbolique. En effet, l’ALE avait choisi une des îles de l’archipel Aland pour se réunir. Or, on se souvient que c’est lors d’une conférence dans cet archipel situé en mer Baltique, et comptant un peu moins de 30 000 habitants, que Paul Giacobbi et une partie de la gauche corse avaient, en 1998, opéré une évolution majeure. Ils avaient été dans le sens d’une reconnaissance des spécificités insulaires, linguistiques et culturelles, et ainsi créé des conditions favorables au futur processus de Matignon (1999 à 2002). De plus, le cadre institutionnel autonomiste de cet archipel représente un modèle. L’autonomie d’Aland a été instaurée à l’initiative de la Société des Nations. Celle-ci a attribué la souveraineté sur les îles à la Finlande en 1922, à condition que soient garantis aux habitants l’usage de leur langue (le suédois), le respect de leur culture et un droit foncier assurant uniquement à ces derniers la propriété du sol. En 1975, une loi a précisé que toute personne physique ou morale non résidente devrait obtenir une licence auprès du gouvernement alandais pour l’acquisition de biens fonciers. Enfin, le traité d’adhésion de la Finlande à l’Union Européenne a consacré l’autonomie fiscale de l’archipel. Il importe aussi de souligner que les îles Åland ont un droit de veto qui leur permet d’échapper à toute mesure qu’elles n’approuveraient pas en matière de douanes, de monnaie, de justice, de droit de la famille, de droits de succession, de législation sur les étrangers, même si cela relève de traités internationaux. De plus, le représentant de l’Etat finlandais dans les îles ne peut être nommé qu’avec le consentement du gouvernement local. Enfin, les Alandais ont le droit de décider de tout ce qui relève de leurs affaires (élection d’un parlement qui désigne le gouvernement local et vote un budget autonome ; pouvoir étendu de décision dans les domaines de l’économie, de l’enseignement, de la culture, de la police, de l’administration locale, du social, de la santé, de l’environnement, de la poste, des transports, de l’audiovisuel). Quant au droit de vote, il est réservé aux résidents jouissant d’un statut de citoyenneté pouvant s’acquérir par la naissance (père ou mère résidant dans les îles) ou la résidence principale (durant au moins cinq ans sans interruption dans les îles) assortie d’une bonne connaissance de la langue suédoise. Le débat institutionnel s’annonce musclé…

Pierre Corsi

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