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Euro - Méditerranée

jeudi 31 mars 2011, par Journal de la Corse

La Libye au carrefour de son histoire

Les frappes occidentales risquent fort d’aviver un sentiment d’hostilité déjà très puissant des masses arabes envers l’Occident. Cette intervention militaire apparaît bien comme une opération néo- coloniale destinée à récupérer d’immenses sources énergétiques, le tout sous couvert d’humanitaire. Pourquoi punir Kadhafi et pas le gouvernement de la Syrie ou du Yémen ou celui de Bahreïn qui, eux aussi, martyrisent leurs peuples ? La réponse est simple : Kadhafi, dans sa monstruosité, était devenu ingérable tandis que les autres dictateurs montrent une grande servilité envers les intérêts occidentaux et plus particulièrement anglo-saxons. Pour comprendre pourquoi la Libye risque de devenir un bourbier (un de plus) il faut se plonger dans l’histoire de ce pays méditerranéen.

Débarquement des Italiens à Tripoli

Une guerre d’invasion de la Libye, alors sous domination turque, est menée par l’Italie débute en septembre 1911 avec la complicité de la France et de l’Angleterre, ennemis de l’empire ottoman. Ce conflit s’avère plus difficile que prévu car les tribus s’opposent à l’invasion italienne et appellent au djihad. Tobrouk, Derna, Benghazi sont conquises par les 100.000 hommes du corps expéditionnaire. La France est alors accusée d’aider les Turcs. De plus la crise libyenne s’entremêle avec celle des Balkans. Les échecs répétés des soldats turcs accélèrent la crise qui sévit en Turquie.

La marche vers l’indépendance

La Chambre italienne a voté, dès 1911, l’annexion de la Libye ce que refuse la Turquie malgré le traité de paix signé le 15 octobre 1912. La Première guerre mondiale signe la fin de l’empire ottoman et le dépeçage de son territoire. Les tribus ne cessent de résister à la présence italienne. En 1943, alors que Mussolini a été vaincu, la colonie est divisée en trois provinces : le Fezzan, au Sud-ouest qui passe sous administration française ; la Tripolitaine et la Cyrénaïque sous administration britannique. À la fin de la guerre, sous la pression de l’ONU et des compagnies pétrolières américaines qui s’intéressent à l’exploitation des réserves dont regorgent la Libye, la France et l’Angleterre préparent l’indépendance du pays. Fin 1950, une assemblée constituante désigne pour roi Idriss el-Sennoussi. L’indépendance de la Libye, qui est désormais une monarchie constitutionnelle, est officielle un an plus tard, le 24 décembre 1951. Un traité d’amitié est signé avec le Royaume-Uni en 1953. En 1956, deux compagnies pétrolières américaines obtiennent une immense concession, tandis que l’État libyen se charge de construire les infrastructures qui permettront d’acheminer le pétrole des puits d’où il est extrait jusqu’aux ports d’où il sera exporté. Au cours des années 1960, l’économie libyenne commence à recueillir tous les fruits de cette stratégie Mais en 1969, un coup d’État militaire organisé par le colonel Muhammar Kadhafi et un groupe d’officiers, dits les Officiers libres, renverse le roi Idriss.

Les virages kadhafistes

Sous la conduite autoritaire de Kadhafi, la Libye prend ses distances avec les occidentaux (fermetures des bases aériennes britanniques de Tobrouk, et américaine de Tripoli, en 1970) et engage une politique de rapprochement avec l’Égypte et la Syrie. En 1977, la Libye devient la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. Les années 1980 seront marquées par une nouvelle tentative de fusion, en 1980, avec un pays arabe (la Syrie), mais qui n’aboutit pas plus que les précédentes. La Libye, de plus en plus isolée diplomatiquement, est accusée par les États-Unis de financer le terrorisme international et d’être impliquée directement dans plusieurs attentats. En avril 1986, l’aviation américaine bombarde Tripoli et Benghazi.

Depuis 1999, Kadhafi s’est employé à normaliser ses relations avec les pays occidentaux. Les relations diplomatiques ont été rétablies avec le Royaume-Uni, et, en 2002, des discussions sur le contentieux avec les États-Unis ont été amorcées. Un accord est signé pour le versement par la Libye de compensations aux familles des victimes de Lockerbie. Les sanctions internationales contre le pays cessent complètement en septembre 2003. En 2005, alors que les compagnies pétrolières américaines sont autorisées à reprendre pied en Libye. Kadhafi aident alors les États-Unis dans leur lutte contre Al Qaida. C’est dire si l’offensive voulue par la France risque de déstabiliser cette région du monde. D’un point de vue démographique ce sont un million et demi d’Égyptiens qui vont regagner leur pays en ayant tout perdu. Kadhafi était pour l’Égypte et pour Israël un précieux allié contre le fondamentalisme musulman. Le risque est que désormais le pays soit livré à une guerre civile qui verra les tribus s’affronter. Quant aux forces alliées, elles n’ont pas mandat pour mener une guerre terrestre. Le pire est donc à venir. D’autant que Sarkozy, tournant le dos à la doctrine gaulliste a accepté que l’opération passe sous commandement de l’OTAN autant dire des Américains.

GXC

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