Alors que l’on constate une vague de scepticisme et d’attitude assez blasée, la spiritualité semble marquer un retour. Non pas que l’Église catholique affiche de nouveaux aficionados de l’office hors la messe de minuit qui reste populaire. Il s’agit plutôt d’un regain d’intérêt pour des valeurs et la quête de soi pour obtenir des réponses à des questions existentielles. En temps de crise et d’incertitudes grandissantes sur un avenir que l’on n’en finit pas d’annoncer toujours plus morose, il semblerait que cela serve la spiritualité.
Une notion spirituelle
Spiritus, du latin « esprit ». Cela fait surtout référence à la religion, dans son côté de relation avec un être supérieur ou du salut de l’âme. Il s’agit de la différence entre l’intériorité et l’extériorité. C’est la quête de sens, de libération, de tout ce qui est porteur d’espoir. La vague des coachs et autres « gourous » du développement personnel ne peut démentir ce regain pour la spiritualité. Le New Age et tous les courants spirituels postmodernes attestent de cet engouement pour la recherche d’une autre façon de voir le monde et d’appréhender l’existence, pour conserver un doute « éveillé » sur la société. D’où aussi une tendance à associer ces nouveaux courants de pensée à des sectes. Car la philosophie du bien-être a aussi conduit à des excès. Miviludes, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, a d’ailleurs rendu public un rapport en début d’année mettant en garde contre des pratiques de bien-être : « Ces pratiques, lorsqu’elles comportent des règles alimentaires déséquilibrées, carencées, voire extrêmes, ont révélé leur redoutable efficacité, (...) ayant conduit au suicide, ou à une mort prématurée d’adeptes. » Le culte du bien-être est donc une pratique à risque, et Miviludes met en garde contre les pseudo-cures hygiénistes et la recrudescence des communautés d’inspiration New Age à forte tendance écologiste. Naturopathie, instinctothérapie, culte du jeûne ou végétalisme… Autant de dévotion au bien-être qui peut conduire à des excès et mener à des problèmes sanitaires, même si cela peut être bénéfique pour certaines personnes.
Cultes spirituels
Les raisons qui poussent les gens à se tourner vers une quête spirituelle est une volonté de ressentir, d’avoir des émotions. Ainsi, les rituels reprennent tout leur sens et leur importance. C’est dans la pratique que la spiritualité prend toute sa dimension. Ainsi, si la Corse est majoritairement catholique, les pratiquants ne sont pas aussi nombreux. Pourtant, ils sont plutôt fidèles à des pratiques liées au culte. Comme la dévotion aux saints, qui ont une réelle importance dans toute l’île, chaque village ayant son protecteur : Sainte Restitude (patronne de Calenzana), Saint Antoine, Saint Erasme (patron du diocèse d’Ajaccio), Saint Roch (à l’occasion duquel on distribue des petits pains, pane di San Roccu ou sanrucchinu), Saint Pancrace, etc. La Corse elle-même est placée sous la protection de Sainte Dévote, qui y est célébrée le 27 janvier. La Semaine Sainte avec ses processions spectaculaires de pénitents en cagoule montre l’attachement de la Corse à ses traditions et cultes spirituels. Les mariages religieux, les baptêmes, les funérailles sont autant de rendez-vous où la dévotion est révélée. Ces pratiques sont accompagnées de formes de coutumes qui peuvent être associées à des superstitions. D’aucuns diraient qu’il s’agit plutôt de la traduction de la piété populaire en sens du sacré. La Corse est une région où le sacré est important. Les fêtes patronales sont bien l’occasion de montrer que le religieux et le profane peuvent cohabiter : après la dévotion, le temps des retrouvailles et de la cohésion entre les habitants du village est une autre forme de célébration. Noël est une autre occasion de ce mélange des genres : l’aspect consumériste avec son rituel, chanté et quasi sacralisé par Tino Rossi, et les traditions religieuses. Comme quoi, il arrive que le mystique ne soit pas forcément en conflit avec le spirituel, le temporel, voire même le politique. Car ces réunions entre religieux et païen sont d’abord des rassemblements d’individus en quête d’appartenance, dont le symbole est surtout une forme de solidarité. Un vœu pieux ?
Maria Mariana