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Empathie, comme choix de civilisation

jeudi 5 janvier 2012, par Journal de la Corse

Tandis que se déroule une crise financière et économique qui ébranle les bases de notre système, il semblerait que de ce chaos puisse surgir une autre façon de vivre ensemble, moins conflictuelle et plus dans l’empathie. D’aucuns pourraient sourire de cet excès de naïveté, pourtant, lorsque cette théorie est avancée par Jeremy Rifkin, économiste, conseiller auprès de l’Union Européenne et des chefs d’état du monde entier, président-fondateur de la Fondation sur les tendances économiques, cette idée apparaît moins farfelue et plus visionnaire. La compassion et l’altruisme, nouvelles valeurs refuge ?

Homo empathicus

Si l’on s’en tient à la définition même du terme, « l’empathie est la capacité de se mettre à la place de l’autre et de ressentir ses sentiments et ses émotions ». Cela n’est donc ni de la sympathie, ni de la compassion. C’est une aptitude, voire une tendance, qui pourrait même être tout simplement une stratégie. En management, cela se transforme en technique, qui consiste à exprimer son empathie à voix haute, à nommer ce que l’on pense être les besoins de l’autre ou les souhaits que l’on a, à anticiper sur les attentes de l’autre. Cela dégonflerait les bulles de conflit et rétablirait le dialogue. Une technique applicable à la société ? Selon toute vraisemblance, c’est inhérent à la nature humaine. Enfin si l’on veut bien considérer la nature humaine différemment du concept d’agressivité et de prédation. Tout est question de point de vue et de volonté, parce que côté inné, c’est tout à fait équilibré entre l’agressivité et l’empathie. Reste à savoir de quel côté faire pencher le plateau de la balance.

Fin de l’individualisme

Ainsi que le synthétise Rifkin, les années 80-90 ont été marquées par une « vague d’estime de soi ». Il fallait être individuellement bien pour aller mieux en société, aujourd’hui, la société va mal, et c’est la notion de « bien commun », de « responsabilité sociétale » qui émerge. Il faut dire qu’à force de nous estourbir avec la surconsommation, les problèmes écologiques et autres catastrophes planétaires annoncées, la nouvelle génération ne peut que jeter l’ancien modèle et tenter d’imposer le sien, moins consumériste, plus cosmopolite, plus ouvert sur le monde, via les réseaux sociaux, n’en déplaisent à leurs détracteurs. N’oublions pas que nous sommes l’espèce la plus sociable de la planète ! Organiser la société, c’est notamment tisser des liens entre les gens. À l’heure de la société de services, qui replace l’humain au cœur des préoccupations, vieillissement de la population oblige certainement aussi, clamer la fin de l’individualisme n’est peut-être pas si utopique. Lorsque l’on voit les élans de solidarité qui ont suivi la catastrophe au Japon, ou les révolutions qui ont secoué le Maghreb pour réclamer une autre société, transcendant les frontières et les clivages habituels, on ne peut que s’émouvoir de ces élans. La solidarité ne serait pas morte, ni sacrifiée sur l’autel de l’individualisme.

Vieilles résistances

Pourtant, malgré toutes ces démonstrations de bienveillance, ces indignations militantes qui ne veulent plus rester la majorité silencieuse, mais faire entendre leur voix, en dépit de toutes ces actions, le vieux modèle ne se rend pas, tel le roseau de la fable, il plie, ploie, mais ne cède pas. Si la Corse a l’habitude de voir ses habitants s’entraider et ne pas trop se laisser porter par le détricotement des liens – la force de la diaspora peut aussi en attester – le mouvement des Indignés n’a pas eu trop de succès en métropole, et il est légitime de s’inquiéter sur la montée du FN et de ses idées ultra-protectionnistes et de repli sur soi. Car même si l’empathie est naturelle à l’homme, son instinct de survie et de préservation ne l’est pas moins. Malgré la nouvelle philosophie politique émergente, le « libéralisme altruiste », qui n’est autre que « l’attention délibérée portée par un individu aux libertés individuelles de l’autre, avec l’intention délibérée de les défendre et de les accroître », soit les fondements également d’une « économie morale », qui ne sont pas des oxymores malgré les apparences, malgré donc ces intentions de changement et un contexte favorable à leur concrétisation, nul ne peut prédire si l’empathie sera à l’honneur, ou se fera damner le pion par l’égoïsme. Gageons que 2012 s’engage sur de meilleurs auspices, et que l’empathie triomphe pour le plus grand bien de tous.

Maria Mariana

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