Rosa Prosperi
« L’élection cantonale ne doit pas se résumer à des enjeux strictement locaux »
Profitant de l’élan suscité par les dernières élections régionales, les nationalistes, à la crédibilité de plus en plus renforcée, investissent en masse les cantonales. Conseillère territoriale réélue en mars dernier, Rosa Prosperi se présente dans le premier canton de Bastia où elle porte, aux côtés de Vincent Bonci, son suppléant, la voix de « Corsica Libera ». La candidate exprime son point de vue sur l’échéance des 20 et 27 mars prochains.
Les nationalistes ont longtemps boudé les cantonales. Considérez-vous, aujourd’hui, cette élection, comme primordiale pour mieux défendre vos idées ?
Corsica Libera a vocation à investir tous les terrains d’expression et il est indéniable que les élections constituent un moment important de la vie publique pour tout mouvement dont l’objectif est de faire partager ses idées. Nous avons toujours considéré que la suppression des Conseils Généraux était nécessaire. Aujourd’hui, alors que la réforme des institutions en cours tend à opérer la fusion des assemblées départementales et régionales, nous sommes les seuls à proposer une solution institutionnelle originale pour la Corse. Nous militons en faveur de la création d’une Chambre des Provinces qui définirait les axes du développement local, aux côtés d’une Assemblée Corse dotée d’un véritable pouvoir législatif. Nous soutenons que la Corse a été volontairement appauvrie. Nous affirmons qu’un autre avenir est possible si nous décidons nous-mêmes de l’action qui doit être menée au bénéfice des intérêts de la Corse. Depuis l’élection territoriale notamment, la démonstration est faite que nos propositions, considérées jadis comme utopistes, sont en fait pertinentes et réalistes. Qui aujourd’hui refuse en Corse de discuter sérieusement de la création d’une compagnie maritime corse, de la nécessité d’un pouvoir législatif renforcé, de la dépossession foncière, de l’idée d’une citoyenneté corse, de l’intérêt d’un statut fiscal dérogatoire, du rapprochement des prisonniers politiques ?
Où situez-vous les enjeux de ces élections ?
L’élection cantonale ne doit pas se résumer à des enjeux strictement locaux et il est de notre devoir d’expliquer que les enjeux de la Corse relèvent d’une problématique globale. Le logement, la préservation des terres agricoles, les transports, l’énergie, le niveau des prix et la précarité, nous concernent tous, que nous résidions dans des cantons urbains ou ruraux, au Nord ou au Sud, en plaine ou en montagne.
Quelles actions proposeriez-vous dans le premier canton de Bastia ?
Aujourd’hui, la plupart des Bastiais n’ont plus les moyens d’acheter ou de louer un appartement dans leur ville. Cette situation menace l’équilibre social et générationnel dont le peuple de Bastia a su faire un art de vivre. Dans le centre de Bastia, les enfants se sont toujours installés auprès de leurs parents et les hommes de toutes conditions sociales ont toujours vécu en harmonie, unis par un fort ciment culturel. Ce mode de vie peut être préservé par la mise en œuvre de mesures concrètes : citoyenneté ; aide financière aux familles qui font le choix de maintenir les anciens à leur domicile ; défense du commerce de proximité qui favorise le lien social ; corsisation des emplois ; aide aux acteurs de terrain et aux associations de jeunes qui luttent contre la drogue ; restauration de la démocratie et de la justice sociale (transparence dans l’attribution des HLM et du RSA) ; mécanismes de contrôle des fonds publics ; redynamisation du marché de Bastia ; restructuration du Vieux Port autour du monde des pêcheurs… L’objectif est simple : permettre aux Bastiais de réinvestir leur ville autour d’un projet qui place l’homme au sein de la société.
Dans la continuité des territoriales, ces élections ouvriraient-elles d’autres perspectives pour la mouvance nationaliste ?
Je ne me suis pas engagée en politique pour permettre aux seuls nationalistes d’avoir des perspectives…La Corse bénéficie d’atouts considérables et je suis convaincue que nous pouvons, ensemble, écrire une nouvelle page dans l’histoire de notre pays. Nous militons en faveur d’une solution politique négociée comportant la reconnaissance du peuple Corse et de ses droits nationaux, une avancée institutionnelle significative, et la libération des prisonniers politiques. Nous avons fait la démonstration que nous sommes une force majeure de proposition. Notre détermination est connue de tous. Nous avons la capacité d’exercer des responsabilités politiques. Avec d’autres, nous mettrons tout en œuvre pour obtenir que s’engage un véritable processus de sortie de crise. Voilà la véritable perspective !
Propos recueillis par Philippe Peraut