Alors que la France scande allègrement « Liberté, égalité, fraternité », le rapport annuel sur l’inégalité des sexes publié en octobre dernier par le Forum économique mondial place la France en 46e position. La France est tout un paradoxe : pays de Simone de Beauvoir, mais aussi pays à la mentalité très latine. Faire la synthèse de tout cela, c’est avoir un pays de tradition paternaliste qui s’occupe de ses femmes plus que de leur condition. Dit ainsi, c’est retomber dans les clichés. D’ailleurs, si l’on en croit la délégation aux droits de femmes, faire de l’égalité entre les femmes et les hommes est l’un des axes de la modernisation de la vie publique et de la société. Parce que la transformation en profondeur des mentalités, c’est faire la révolution… dans les têtes d’abord !
Manifestes féministes
Plus féminines que féministes… C’est ainsi que l’on pourrait définir les femmes françaises d’aujourd’hui. Non pas que la combativité pour la reconnaissance de l’égalité avec les hommes soit reléguée au placard. Pour preuve ? Le manifeste des « 343 salopes » paru dans le Nouvel Observateur d’avril 1971, en faveur du droit à l’avortement (la loi Veil sur l’IVG finit par être votée le 20 décembre 1974, par 277 voix contre 192), et celui qui lui fait écho aujourd’hui dans le Libération d’avril 2011 qui publie le texte de 343 femmes exigeant « l’égalité maintenant » avec les hommes. Les 343 signataires – parmi lesquelles Carole Bouquet, Élisabeth Guigou, Brigitte Fontaine, Florence Foresti, Christine Ockrent – estiment que les femmes restent « maintenues en position subalterne ». « Les inégalités femmes-hommes persistent, moins visibles peut-être et plus insidieuses, mais tout aussi prégnantes et injustifiées », ajoutent-elles. Le texte demande notamment des mesures « pour garantir l’égalité dans l’emploi », l’accès effectif « à une contraception libre et gratuite », la possibilité d’avorter « dans de bonnes conditions » et la fin des violences sexistes.
Mirage de la parité
L’égalité des chances entre les hommes et les femmes… On a eu besoin d’une loi pour l’instaurer et la rendre obligatoire et de structures pour l’encadrer. L’un des objectifs est d’« assurer l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes en favorisant le développement d’une éducation non sexiste et la diversification de l’orientation des filles ». Un autre est de soutenir « la création ou le développement d’entreprises par des femmes grâce au Fonds de garantie à l’initiative des femmes (FGIF) ». Et encore « promouvoir la parité et l’accès des femmes aux postes de décision politiques, économiques et sociaux ». Etc. Edifiant, car c’est une preuve que cela ne va pas de soi et qu’il reste pas mal de blocage et de freins avant que hommes et femmes soient traités égalitairement.
Déséquilibres sexués
Certes le chemin parcouru est déjà remarquable. Mais il reste des zones d’ombre. Comme les salaires : les femmes gagnent, à poste et compétences égales, 27% de moins que leurs homologues masculins. Et ce malgré trois textes de loi depuis 1983. Ou aux postes d’encadrement : les femmes n’occupent qu’un cinquième des postes de direction. Comme quoi la société met en pratique le dicton corse depuis des lustres « Da e donne è da i boi Cacciane quant’è tu poi » (Tire le maximum de profit du travail des femmes et de celui des bœufs). Autre déséquilibre : l’éducation des enfants, qui repose surtout sur les mères. Le mythe de la femme tantôt maîtresse, tantôt soumise est tenace, et soumet la femme à des représentations extrêmes qui sont réductrices. Les femmes sont prisonnières de leur rôle. Et lorsque certaines inégalités sautent, c’est… au profit des hommes. Exemple : la justice européenne a exigé que les tarifs d’assurance ne soient pas fixés selon les sexes. Cela signifie par exemple que les jeunes conductrices ne bénéficieront plus de tarifs préférentiels, même si les statistiques leurs sont favorables sur le nombre d’accidents. Les contrats d’assurance ne doivent plus être discriminatoires. À quand des mesures autant harmonisées dans tous les domaines, sociaux, politiques, civils, familiaux… ? Que le pouvoir des femmes sorte du seul cercle de la famille.
Maria Mariana