Faire découvrir à nos enfants, au sein de l’école, l’esprit d’entreprise et l’envie de produire de la valeur ajoutée, est une bonne idée.
Trop de profs se réfugient dans un conformisme, un immobilisme et un élitisme de caste. Dès qu’un ministre affiche quelque volonté de faire évoluer l’Education nationale de l’état de mammouth à celui d’éléphant, ils se dressent pour dénoncer une nouvelle persécution à leur encontre. Pas question de toucher à leurs sacrosaintes vacances, à leurs horaires, aux rythmes scolaires même si ceux-ci ne sont pas adaptés à la physiologie des enfants. Selon ces survivances d’un syncrétisme entre la Troisième République et Mai 68, il n’est pas non plus concevable que le monde éducatif qu’ils estiment paré de toutes les vertus, en vienne à rencontrer celui de l’entreprise qu’ils jugent mère de tous les vices. L’actuel ministre de l’Education, Vincent Peillon, vient encore de vérifier tout cela à ses dépens. Après avoir dû renoncer à modifier la durée et la répartition des vacances scolaires, il est en passe d’être contraint de faire machine arrière toute concernant sa proposition visant à rapprocher école et entreprise dès la classe de 6e. En effet, alors qu’elle a été plutôt bien accueillie par le patronat, cette proposition a été jugée « prématurée » par la plupart des syndicats d’enseignants. A les croire, en cette période de chômage, de crise de compétitivité et d’inadéquation avérée de l’offre et de la demande de main d’œuvre, il ne conviendrait pas de s’adapter aux besoins immédiats des entreprises. Autant dire que l’initiative du ministre relève d’ores et déjà du mort-né. Seul le SGEN-CFDT a entrouvert la porte en souhaitant que le contact avec l’entreprise dès la 6e « soit inscrit dans un vrai parcours d’orientation » et que « l’apprentissage du dialogue social dans les entreprises » fasse partie du socle commun de connaissances et de compétences.
Pas tous des « méchants » !
Ayant eu connaissance de ce débat, je n’ai pas résisté à l’envie de le porter jusqu’à la terrasse du bar bastiais où il me plait, à l’heure du déjeuner ou du goûter, de papoter avec des copines dont certaines appartiennent au monde de l’éducation. Les propos de l’une d’entre elles, m’a confirmé dans l’idée que le mammouth n’était pas une espèce en voie de disparition dans l’univers de certains profs. En voici, de mémoire, des morceaux choisis : « Je m’inquiète pour l’avenir de l’Éducation nationale (…) L’école n’est pas le monde du travail, elle devrait même en être l’exact opposé (…) On doit y exercer l’esprit critique au lieu d’obéir sans réfléchir, d’appliquer sans comprendre. On doit y aider les moins bons au lieu de les mettre à l’écart. On doit y privilégier le plaisir d’apprendre, le désintéressement et non l’esprit du lucre. On doit y apprendre l’égalité et la solidarité et non la concurrence et la compétition (…) L’école a pour vocation de former des individus libres et des citoyens et non des salariés dociles et des vendeurs » Certes, tous les patrons ne sont pas des exemples et la finance vampirise trop souvent l’économie, mais propager une image aussi négative de l’entreprise relève d’un manichéisme que je n’ai pas jugé utile de contredire, tant il m’a paru outrancier sinon imbécile. Il est beaucoup de patrons qui, tout en étant exigeants et riches, travaillent beaucoup, créent des emplois, respectent les lois sociales et leurs salariés. Tous les patrons, loin de là, ne sont pas des « méchants » qui s’installent en Belgique pour ne pas payer l’impôt, délocalisent en Chine pour gagner plus, « importent » des Roumains pour les sous-payer. Créer de l’activité et de la richesse ce n’est pas une tare ! Faire découvrir à nos enfants, au sein de l’école, l’esprit d’entreprise et l’envie de produire de la valeur ajoutée, est une bonne idée. Cela peut même un jour générer de la recette fiscale pouvant servir à améliorer le service public de l’éducation et à payer les profs…
Alexandra Sereni