Eau douce
Bientôt la mer à boire ?
A l’échelle de la planète, la raréfaction de l’eau douce semble inéluctable. Cette ressource pourrait même devenir un bien plus précieux que le pétrole.
Je hais la plupart des présentateurs de la météo. Selon eux, le « beau temps » consiste en des journées ensoleillées et le « mauvais » en des journées pluvieuses. Pourtant la réalité des choses devrait les inciter à nuancer leurs propos car une journée de pluie n’est pas uniquement du « mauvais temps ». Elle peut aussi être considérée comme un jour béni au cours duquel les plantations et la végétation sont naturellement arrosées, les sources et les nappes phréatiques réalimentées, les barrages et les réservoirs remplis. Tout cela étant utile et même vital si l’on considère qu’un territoire qui manque d’eau tombée du ciel, ne peut ni se développer, ni subvenir aux besoins de ses habitants. Or, à l’échelle de la planète, la raréfaction de l’eau douce semble inéluctable. Cette ressource pourrait même devenir, d’ici quelques décennies, un bien plus précieux que le pétrole. Il convient en effet de savoir que si, au cours du XXe siècle, la population mondiale a triplé, la consommation en eau a été multipliée par six à cause de l’augmentation de la demande moyenne en eau par habitant pour des raisons d’hygiène et de confort, de développement industriel et surtout d’activité agricole. En effet, pour subvenir aux besoins alimentaires, il a fallu augmenter les surfaces agricoles et leur rendu. Ce qui s’est traduit par une multiplication par cinq des terres irriguées à l’échelle de la planète. Aujourd’hui, un tiers de l’humanité vit dans une situation dite de « stress hydrique » (moins de 1700 mètres cubes d’eau douce disponibles par habitant et par an). La population mondiale devant passer de 6 milliards d’individus en l’an 2000, à 8 milliards en l’an 2025, le risque d’une pénurie d’eau douce existe donc bel et bien.
Seulement 3 % d’eau douce
Je hais d’autant plus les présentateurs de la météo que le réchauffement climatique pourrait bien accentuer la rareté de l’eau. Egalement appelé réchauffement planétaire ou réchauffement global, il se manifeste, depuis le début du XXe siècle, par l’augmentation de la température moyenne des océans et de l’atmosphère, et celle de la quantité de chaleur de la surface terrestre. Et les projections des modèles climatiques indiquent que la température de surface du globe est susceptible de gagner 1,1 à 6,4 °C supplémentaires au cours du XXIe siècle. Affolant ! Pire encore, même si nous modifions nos modes de vie, le réchauffement pourrait se poursuivre au-delà de cette période en raison de la grande capacité calorifique des océans et de la durée de vie du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Or, même si les données manquent encore pour évaluer en quoi le réchauffement conduirait à une hausse ou une baisse des précipitations, il est avéré qu’outre déterminer une fonte de la banquise qui précipite de l’eau douce en mer, il provoque une diminution notable de la couverture neigeuse printanière aux latitudes moyennes de l’hémisphère nord (le nôtre). Ce qui est préoccupant car la couverture neigeuse contribue à l’humidité des sols et aux ressources en eau. Les plus optimistes observent certes que l’eau ne manquera jamais car 70 % de la surface de la planète est couverte par les océans. Mais les pessimistes rétorquent que seulement 3% de l’eau sur terre est douce, que 88 % de cette ressource est stockée dans les glaces aujourd’hui fondantes des pôles, et que dessaler l’eau de mer est complexe, énergivore et coûteux. Produire de l’eau douce avec de l’eau de mer, relève comme le disait ma grand’mère de « la mer à boire ».
Alexandra Sereni