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DROIT DE LA FORCE OU FORCE DU DROIT ?

jeudi 7 avril 2011, par Journal de la Corse

Barack obama

« Dégage » Titre d’une de nos chroniques il y a plus d’un mois. Injonction impérative des manifestants du « printemps arabe » adressée aux dictateurs de leurs pays. Elle visait, en ce journal, Mouammar Kadhafi. Ce tyran mégalomane de la Libye s’en prenait à son peuple révolté. Ses menaces faisaient craindre un massacre.

Des hommes libres se révoltaient contre un tyran coupable et appelaient à l’aide. Les démocrates ne pouvaient rester sourds à cet appel. Une émotion compréhensible, largement partagée y répondit. A l’initiative des dirigeants français et britanniques, les Nations-Unies votèrent la résolution 1793 condamnant la violation flagrante des droits de l’homme par le dictateur libyen. Elle autorisait les Etats qui demandaient l’intervention militaire en Libye, à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les populations et les zones civiles, excluant le déploiement d’une force d’occupation étrangère sur le territoire libyen. Tel est le droit. Aussitôt un ouragan de fer et de feu venu du ciel s’abattit sur ce pays. On lui donna le nom de « Aube de l’Odyssée ». Telle est la guerre. La guerre et le droit. Vieille question de l’Humanité. Le bon La Fontaine en avait une vue plutôt pessimiste. Il prit justement pour thème l’Odyssée pour en traiter et la rencontre d’Ulysse et de la magicienne Circée. Celle-ci avait métamorphosé en pourceaux les compagnons d’Ulysse. Le fabuliste les transforme en bêtes féroces, lions, ours et loups. Circé accorde à Ulysse de les faire redevenir des hommes. Mais le voudront-ils ? Elle leur rend la parole. Tous refusèrent lorsqu’Ulysse les interrogea. « Si j’étais homme par ta foi, aimerai-je moins le carnage ? Dit le loup. Barak Obama vient de déclarer : « Les Etats-Unis doivent intervenir quand leurs intérêts et leurs valeurs sont menacés. » On peut se poser la question. Où se trouve le droit dans de tels propos ? N’y revient-on pas à de telles notions ou définitions de la guerre comme la défense de soi et du sien ? Et encore : que devient la notion de guerre défensive ? Jaurès avait déposé un projet de loi dans lequel il déclarait : » Toute guerre est criminelle si elle n’est pas manifestement défensive. » Mais le parti qui se réclame toujours de la pensée de Jaurès paraît l’avoir oublié. C’est le problème de la guerre préventive qui est aussi posé par cette expédition de Libye. Obama a déclaré qu’un massacre avait été évité de la sorte. Il a sans doute raison. Mais personne ne sait actuellement si un génocide était en préparation ou non. Cette question a reçu au moins l’aval des Nations-Unies en faveur d’une opération de précaution. Entre ce qui apparaît comme une sanction extrême et ne rien faire n’y avait-il aucune autre solution possible ? Si la situation actuelle devait perdurer ne pourrait-on pas penser que les Alliés interviennent dans une guerre civile pour une des parties contre l’autre ? Jusqu’à présent les motifs connus de cette guerre n’ont rien d’honorable. Mais puisque les Etats-Unis invoquent aussi leurs intérêts, on ne peut s’empêcher de penser que la Libye contient sous son sol la plus grande réserve mondiale de pétrole. Il y a toujours des causes de guerre qui se cachent et les causes économiques ne sont pas les moindres. Les pertes humaines enfin. Aucun décompte vérifié n’est établi. Les pertes des combattants sont déplorables comme celles des civils. On a entendu un intellectuel bien connu parler des « chiens de guerre » comme si ce n’étaient pas des hommes. Si la profession des armes est un métier, pourquoi cet opprobre pour des mercenaires ou des soldats de métier ? Remarquons aussi que les pilonnages aériens ne leur permettent pas de se rendre comme prisonniers de guerre. Or, le traitement des prisonniers était la marque même des armées civilisées. Il ne faudrait en aucun cas que ces destructions matérielles et humaines se poursuivent. On a vu les hécatombes produites par la guerre d’Irak. Il ne conviendrait pas de faire de Kadhafi le bouc émissaire des démocraties occidentales. Pour cela il est nécessaire que nul ne puisse confondre la force du droit et le droit de la force.

Marc Aureliu Pietrasanta

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