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Domaine d’Anghione : coup gagnant pour les clandestins !

vendredi 7 janvier 2011, par Journal de la Corse

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Les clandestins reviennent sur le devant de la scène et obtiennent gain de cause. De quoi leur donner des ailes et rogner celles de l’action démocratique et citoyenne.

L’action commando menée contre le domaine d’Anghione, situé sur la commune de Castellare-di-Casinca, évoque les grandes heures de la clandestinité. Une dizaine de militants sur le terrain et des destructions susceptibles de susciter de la sympathie et un gain politique, cela semblait relever du passé. Eh bien non ! Les clandestins ont démontré qu’ils pouvaient encore mobiliser des effectifs conséquents, qu’il avait conservé une capacité opérationnelle très convenable et qu’il était en mesure d’imposer des décisions.

L’espoir au placard

Avec le scrutin territorial de mars dernier, il semblait pourtant possible d’en arriver à une mise en sommeil prolongée, avant arrêt définitif, de l’action clandestine. Il existait au moins trois facteurs qui permettaient d’espérer cette évolution. Premièrement, le leader de la nouvelle majorité territoriale apparaissait capable de traiter avec pertinence des dossiers vitaux : l’arrêté Miot, la question foncière, les transports extérieurs et intérieurs, les institutions, les finances locales… Deuxièmement, à l’Assemblée de Corse, la forte représentation nationaliste ainsi qu’une majorité d’élus de droite et de gauche se disant sensibles à la prise en compte prioritaire des intérêts insulaires, ouvraient des perspectives de majorité d’idées susceptibles de déboucher sur des consensus solides et constructifs. Troisièmement, le projet de réforme territoriale concernant l’ensemble de la France, la poussée électorale des nationalistes et la discrétion des clandestins offraient à l’Etat une double opportunité : relancer le dialogue politique interrompu depuis la consultation référendaire de juillet 2003 ; afficher une bonne volonté ne donnant pas le sentiment de céder à la violence (par exemple en rapprochant les prisonniers nationalistes). Le désenchantement a succédé à l’espoir. L’Etat a ignoré la perche tendue que représentait l’évolution de la situation politique. Le dialogue est au point mort. Le rapprochement des prisonniers nationalistes ne se fait qu’au compte-gouttes. On a même le sentiment que le pouvoir éprouve du plaisir à ne pas tenir ses engagements et à déconsidérer ses partisans locaux, en particulier le député de Bastia, Sauveur Gandolfi-Scheit, qui s’investit sans compter pour obtenir la localisation en Corse des détenus originaires de l’île. A l’Assemblée de Corse, le Conseil Exécutif qui n’est l’expression que de 25 élus sur 51, semble davantage soucieux de ne pas être mis en difficulté par son propre camp, que de rassembler des majorités d’idées. Quant aux grands dossiers, tout comme les nouvelles rames du train corse, ils restent à quai ou créent des situations périlleuses. Au lieu d’un débat de fond sur les institutions et les finances locales, on a eu droit à des querelles politiciennes au sein du Conseil général de Haute-Corse et à un débat budgétaire dont l’opposition de droite a pu dire qu’il avait abouti à des solutions qui avaient toujours été les siennes. Au plan des transports, excepté un vote consensuel portant sur l’inévitable recapitalisation d’Air Corsica (ex CCM), il y a matière à s’inquiéter. Soumis aux pressions, aux intérêts ou aux contraintes de l’axe Front de gauche / CGT Marins, de l’actionnaire Veolia et d’une enveloppe de continuité territoriale grevée par un coûteux service public de base et une aide au passager transporté « mal ficelée », le Conseil exécutif semble ne plus avoir de cap maritime. Quant au cap ferroviaire, il est mis à mal par des querelles d’experts et de juristes concernant les problèmes techniques, et risque même d’être « déboussolé » quand il s’agira de choisir le prochain délégataire du service public.

De quoi donner des boutons …

Ces situations d’immobilisme ou d’incertitude n’auraient cependant pas suffi à inciter les clandestins à renouer avec des actions comportant des risques pour des tiers, mais aussi pour leurs auteurs. Il manquait des dimensions émotionnelle et symbolique autorisant des initiatives susceptibles de provoquer de l’adhésion et d’imposer des décisions rapides. Aussi, il n’est pas surprenant que la question foncière - mettant en ligne de compte la spéculation, la construction anarchique ainsi que le risque de spoliation ou de paupérisation de beaucoup d’insulaires par la suppression de l’arrêté Miot - ait été à l’origine d’un retour en force de l’action clandestine. C’est d’autant moins surprenant que les Assises du Foncier semblent, à ce jour, dominées par le seul thème du logement social. Ayant conscience du mécontentement de beaucoup d’insulaires et craignant que s’installe l’idée pousse-au-crime que rien ne saurait s’opposer aux dérives et aux appétits spéculatifs, les clandestins ont donc repris la main. On peut certes le condamner ou le regretter car, au nom des principes de démocratie et de citoyenneté, il eût mieux valu que prévalent des actions pacifiques et légales. Mais il apparaît que les clandestins ont obtenu des résultats qui sont loin d’être contre-productifs. En effet, quelques jours après leur intervention, le conseil municipal de Castellare di Casinca a fait savoir que tout serait mis en oeuvre pour « sauver » un domaine devant être considéré comme « le poumon économique de la commune » et que le groupe Proméo s’était engagé « de façon définitive » à ne pas poursuivre la vente des bungalow et à continuer l’exploitation du domaine. Il a même été affirmé que la commune envisageait de devenir actionnaire du Domaine d’Anghione. Merci et chapeau les clandestins et tant mieux pour la microrégion, l’emploi local et la Corse ! Mais il y a vraiment de quoi donner des boutons aux citoyens du crû ou venus d’ailleurs qui, dans le cadre du collectif Salvemu l’Anghione, s’étaient activement et pacifiquement engagés. En Corse, seule la force paye. Voilà qui aurait pu être la conclusion du récent débat sur la violence. Pace e Salute quand même…

Pierre Corsi

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