Des regrets et des rêves…
Les Journées internationales de Corte appartiennent désormais au patrimoine insulaire au même titre qu’a fiera di l’oliu ou de tout autre rassemblement festif. Elles ne connaissent pas le succès d’antan mais elles ont l’intérêt de synthétiser la pensée d’une partie du mouvement nationaliste et de donner un aperçu de leurs alliances sur le terrain. Elles font aussi naître le regret que, dans cette famille, qui a incarné le futur et le progrès la division l’ait toujours emporté sur l’indispensable unité quitte à rater les occasions de devenir politiquement majoritaire en Corse.
Un rêve
Il y a de cela quelques décennies, Antoine Ciosi
chantait le rêve d’une Corse autonome. Cela
se passait peu après le drame d’Aleria. Puis
il y eut les années de violence et de répression.
Tout était encore possible. Les idées nationalistes
avaient pris dans un peuple corse fatigué des
mic macs claniques. Puis le mouvement
connu la division et la scission. Aux élections
de 1992, un an après l’obtention du statut Joxe,
les nationalistes toutes tendances confondues
totalisaient 25% des voix. Unis ils formaient
le premier parti de Corse. Ils ont préféré la honte
et le conflit à l’union et à la victoire. Osons
le dire aujourd’hui avec le recul du temps :
l’utilisation de la violence, sa sacralisation sous
la forme du FLNC a signifié quelques avancées
et une immense défaite. D’ailleurs aujourd’hui
la structure clandestine en est réduite à sa plus
simple expression : quelques plasticages qui
visent de pauvres maisons sans importance
alors que des complexes touristiques se
montent à quelques centaines de mètres de ces
cibles, l’assassinat d’un supposé voyou,
ancien associé et des communiqués qui
semblent se répéter au fil des décennies
malgré les changements du paysage mondial.
Le rêve n’est plus même un cauchemar mais
un quotidien un peu fade alors même que le
potentiel est immense.
Le nationalisme, avenir de la Corse
Car, malgré toutes les critiques qui peuvent
être adressées au mouvement nationaliste,
il est indiscutable qu’il forme toujours le
creuset de la nouvelle génération de dirigeants
insulaires. La classe politique traditionnelle
peine à gouverner une micro-société émiéttée
et angoissée par le manque d’argent. Le nerf
du clanisme, c’est la subvention étatique. En
jouant la carte de l’autonomie, cette couche
dirigeante se tire une balle dans le pied
d’autant que l’état donne de moins en moins.
Le nationalisme est donc l’avenir de la Corse
mais il devra changer de structures, renouveler
en grande partie un personnel obsolète et
surtout savoir s’unir. Car aujourd’hui il souffre
du syndrôme de l’opposant éternel. Il sait dire
non, il sait proposer des solutions impossibles.
Paradoxalement il se débrouille plutôt bien
localement mais ne parvient pas à proposer
des contre-plans globaux. Tout comme la
gauche française, il s’aligne sur un système
de profit au sein duquel la Corse n’a tout
simplement pas sa place sinon comme dernière
de la classe.
Faire de la Corse un laboratoire de la
modernité
Les nationalistes sont aujourd’hui à la croisée
des chemins. Soit il s’adapte au système
hybride corse fait d’économie du profit et
d’assistanat. Auquel cas, ils vont tenter de
remplacer le clan par un autre clan. Ils
saupoudreront leurs clientèles de microsubventions
histoire de maintenir l’électorat
dans un état de disette afin qu’il continue
de « bien » voter. Soit il décide de jouer la carte
de la modernité en mettant en place des
centrales d’achat, des structures pour les plus
déshérités, en favorisant la consommation
locale bref en attaquant le système de front.
Les deux maîtres mots de la prochaine
décennie dans le monde seront la solidarité
et le respect de la nature. On pourra se
gargariser avec tous les discours, tempêter contre
la France, les Etats-Unis, désormais la balle
est dans le camp de l’humanité une et
indivisible. La pollution, le changement
climatique, la crise font que nous sommes tous
liés contraints et forcés. Nous pouvons à
notre faible échelle, commencer à adopter des
attitudes qui démontrent qu’autre chose est
possible. Tous les maux cités plus haut
appauvrissent les plus pauvres, précipitent des
centaines de millions de personnes sur les routes
de l’émigration, favorisent les guerres. La
Corse n’est qu’une infime partie de cet
ensemble. Mais elle a démontré dans l’histoire
que son attitude peut être rapidement imitée
aux quatre coins de la planète. Sachons être
à la hauteur de notre légende. Ce serait une
belle revanche sur l’histoire. Mais cela exige
humilité, solidarité et vision.
• GXC