En 2001, les États-Unis se lançaient dans leur croisade contre l’Afghanistan. C’était à l’époque une cause sacrée qui allait réunir une coalition sagement rangée derrière la bannière étoilée au nom de l’anti-terrorisme. Dix ans ont passé et les combattants sont fatigués. Chacun va se retirer dans ses foyers laissant l’Afghanistan aux mains des Talibans avec lesquels désormais on traite. Entre- temps, l’Occident a attaqué la Libye avec un mandat : protéger les populations civiles. Depuis, la guerre a changé de direction. Il s’agit de détruire le tyran Kadhafi, sans plus de résultats d’ailleurs qu’en Afghanistan. Et pendant ce temps-là le dictateur syrien torture et massacre son peuple, accompagné du silence gêné des moralisateurs occidentaux. Allez y comprendre quelque chose.
La Méditerranée est malade
L’histoire n’a de valeur que si on veut bien en transcender les faits. La Méditerranée et le Moyen Orient, berceaux de toutes les grandes civilisations occidentales et orientales, explosent sous nos yeux comme dans un film tourné au ralenti. Nous commentons ce lent mouvement inexorable, ce big bang civilisationnel mais bien peu tentent d’en saisir la portée. Mettons côte à côte les faits. L’arc méditerranéen occidental s’écroule pièce par pièce. La Grèce d’abord, patrie de Thémistocle puis le Portugal, port de départ de tant d’explorateurs, puis l’Espagne qui au 16e siècle domina le monde. L’Italie montre des signes d’accablement, cette terre qui vit naître et grandir Rome. La France est à terme menacée. De l’autre côté de la Méditerranée c’est la Tunisie (l’ancienne Carthage) qui s’est embrasée suivi du Maroc. L’Algérie ne tient qu’à un fil. Or la Méditerranée est le ventre qui enfanta le christianisme et le catholicisme. L’Islam est né plus loin en péninsule arabique et le protestantisme, schisme chrétien vit le jour en Germanie. C’est donc Rome qui expire sous nos yeux, Rome et ses colonies, Rome et ses limites sans cesse repoussée et bordée par les Germains.
La nouvelle Babylone
Les États-Unis sont la Babylone moderne avec ce que ça peut avoir de grand, de constructif et d’impérialiste. Ce pays est le plus endetté au monde et entend bien renouer avec la croissance sur le dos du monde occidental et extrême-oriental. Hier, à trois reprises, ce sont les guerres et leurs destructions qui ont redonné au capitalisme la force de renaître de ses crises successives. La première guerre fut celle qui opposa le Nord et le Sud des États-Unis avec à la clef la destruction d’un ordre obsolète (celui de l’esclavagisme) et la construction d’un capitalisme moderne basée sur la production de masse et la fabrication d’une classe d’ouvriers-consommateurs. Les deux autres guerres, mondiales, permirent aux Américains de reconstruire l’Occident et d’en tirer d’immenses bénéfices. Aujourd’hui les guerres ne font plus recettes car elles ne s’attaquent pas au cœur des forces productives mais à une périphérie sans importance stratégique. Il se pose aujourd’hui pour les États- Unis une question essentielle : comment résorber leur dette sans payer un prix trop fort. Vraisemblablement cela passera par une mise à mal de l’Europe et un combat sans merci avec la Chine. En attendant, nous autres Méditerranéens devrions-nous poser quelques questions d’ordre géostratégiques et anticiper sur les enjeux futurs. Pour l’heure, nous bavardons gentiment sans avancer… en attendant le grand coup de pied au cul que ne manquera pas de nous flanquer l’histoire si d’aventure nous musardons au lieu de regarder l’avenir droit dans les yeux.
GXC