Est-ce un hasard si la gauche arrive au pouvoir quand il devient improbable que la droite parvienne à gérer une situation économique devenue socialement explosive ? Difficile de le croire. Face à une croissance en berne, à un chômage qui augmente de manière dramatique, la nouvelle majorité a pour charge de faire passer les pilules amères en les enrobant parfois d’un peu d’édulcorant. En Corse, cela risque d’être encore plus difficile que dans d’autres régions européennes.
Une région qui produit peu
La Corse est depuis toujours une région sous perfusion étatique. Directement ou indirectement c’est plus de la moitié de son économie qui dépend du service public. La conséquence directe est que lorsque les finances de l’État vont mal, la Corse ne peut guère bien se porter. Elle additionne donc ses propres maux et ceux du pouvoir central. La Corse n’a jamais réussi à développer un savoir-faire à forte valeur ajoutée. Comme nombre de régions méditerranéennes, elle a joué la carte du tourisme qui reste une carte biseautée. Nous savons qu’en définitive cette activité ne fonctionne qu’une petite partie de l’année et que le gros de ses bénéfices échappe à la population locale pour tomber dans l’escarcelle des grands groupes alimentaires ou touristiques. De surcroît les concurrences balkaniques et maghrébines rendent encore plus aléatoires les investissements sur le long terme nécessaires au développement d’un tourisme efficace. On peut toujours montrer du doigt les locations des particuliers ou les grèves des transports. Tout cela n’est que broutilles à côté d’un monde qui est devenu sur le plan économique essentiellement opportuniste sous l’effet conjugué et pervers des voyages à bas coût et du manque d’argent. La Corse, pour s’en tirer, va devoir développer les filières qui jouent sur les nouvelles technologies et l’intelligence humaine. Faute de quoi, elle vivra au rythme de saisons en accordéon développant un lamentisme déprimant.
Le poids des retraites
L’un des gros handicaps de la Corse est son vieillissement. Une région qui vieillit perd de son dynamisme et se donne peu à peu à peu à une clientèle sans allant. Il faudrait que la Corse développe des pôles d’excellence et, comme les États-Unis, le Canada ou l’Inde, attire à elle de jeunes couples doués de talents qui, pour l’heure, manquent encore à notre île. Car nous vivons avec une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes : celle des retraites des fonctionnaires territoriaux. Tout comme la Grèce, la Corse continue d’embaucher via les conseils généraux, la CAPA ou la CTC. C’est de la folie économique qu’il faudra un jour payer au prix fort. Nos politiques ont beau répéter que notre dette n’a rien de catastrophique, la vérité est que nous allons à la catastrophe. L’État français va se désengager de plus en plus. Et ce ne seront pas les pleurs des élus ou les bombinettes des clandestins qui changeront la donne. Nous devrons compter sur les finances locales. Il y a en Corse environ 130.000 foyers contribuables dont la moitié n’est pas soumise à l’impôt. Autant dire que, pour payer des charges de plus en plus lourdes, la Corse n’aura plus que le choix d’alourdir l’impôt qui pèse surtout sur les couches moyennes ou de vendre ses bijoux de famille à de riches possédants. Il est d’ailleurs à craindre que les classes moyennes n’aient plus à leur tour les moyens de payer des charges insupportables et doivent céder décennie après décennie leurs biens à de riches acheteurs. C’est ainsi que la politique clientélaire irresponsable débouchera un jour sur l’effritement des biens des plus modestes au profit d’une classe de possédants locaux ou étrangères. Les vaches corses maigrissent tandis que certains propriétaires s’engraissent. Il serait temps que nos élus se préoccupent un peu moins de leur petite situation et aient enfin le courage d’affronter l’avenir proche. Mais après tout, nous sommes tous responsables de qui nous élisions.
GXC