En ces temps où chacun est appelé à faire des efforts pour réduire ou du moins stabiliser les dépenses, au nom de quelle impérieuse nécessité les élus locaux en seraient-ils dispensés ?
Le Premier ministre a demandé aux collectivités locales d’adopter une démarche « au moins aussi rigoureuse » que celle de l’État. Il a laissé entendre que si rien n’était fait en ce sens, les transferts financiers de l’État seraient gelés ou même revus à la baisse. Cet avertissement concernait les dépenses de fonctionnement des collectivités locales et des intercommunalités. N’étant ni une supportrice effrénée de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), ni une adepte de l’austérité qu’affectionne ordinairement M. Fillon, je ne puis cependant m’empêcher de penser qu’il y avait du bon sens dans la déclaration de ce dernier. En effet, comment pourrait-on considérer rationnel ou même raisonnable que les régions, départements, communes et intercommunalités réunis, ajoutent, chaque année, les traitements de 40 000 agents à leur masse salariale ? En ces temps où chacun est appelé à faire des efforts pour réduire ou du moins stabiliser les dépenses, au nom de quelle impérieuse nécessité les élus locaux en seraient-ils dispensés ? La question mérite d’être posée. Il m’apparaît d’autant plus opportun de le faire que la fiscalité locale est à la hausse et que les disponibilités financières de la plupart des ménages sont au contraire à la baisse. Or, étoffer les effectifs des collectivités locales et des intercommunalités, n’est assurément pas la recette de nature à éviter une inflation fiscale. Bien entendu, les élus locaux ne l’entendent pas de cette oreille. Ils font valoir que les recrutements répondent à de nouveaux besoins de service public. Cela n’est pas toujours faux. Il est par ailleurs évident que se borner à remplacer un fonctionnaire sur deux comme le pratique le gouvernement pour réduire le nombre de fonctionnaires d’Etat, relève d’une logique comptable relevant de l’absurdité.
Economiser est possible
En revanche, il est évident qu’un gel du nombre d’agents territoriaux et même une réduction des effectifs pourraient être obtenus à partir de réformes structurelles concernant la carte administrative, la productivité et le management. Ainsi, outre dispenser d’indemniser un certain nombre d’élus ce qui représenterait une économie substantielle, une fusion entre la Région et les départements permettrait de réduire progressivement (au fil des départs à la retraite) la masse salariale par regroupements de services et mutualisation des missions. Des diminutions de dépenses appréciables résulteraient aussi d’une réduction du nombre de communes. Au plan de la productivité, des économies substantielles seraient également envisageables. Pourquoi, par exemple, collecter quotidiennement les déchets ménagers alors que le tri sélectif incite théoriquement les habitants à garder les emballages chez eux au moins une semaine, à déposer eux-mêmes le verre, le papier et le textile dans des containers, à se rendre à la déchetterie pour se défaire des « monstres » ? Une collecte bihebdomadaire permettrait une réduction significative de personnels et de matériels. De plus, tout en incitant les habitants à accroître l’effort de tri afin de réduire le volume de déchets conservés à domicile, il encouragerait cet acte civique en diminuant les coûts et en conséquence les taxes liées à la collecte et au traitement. Ce qui romprait avec la logique absurde voulant que l’effort de l’habitant ne soit salué que par des augmentations de la pression fiscale. Enfin, un management fondé sur la valorisation de la performance, de l’implication et de l’initiative, et non uniquement sur l’ancienneté, le temps de présence et l’obéissance (le plus souvent d’ailleurs aux élus et non aux cadres), contribuerait aussi probablement à optimiser l’efficacité des personnels territoriaux et à réduire le besoin de recruter. Bien entendu, si vous considérez que votre imposition locale n’est pas élevée ou qu’indemniser des armées mexicaines d’élus et de fonctionnaires relève de la bonne gestion de la cité, vous êtes en droit d’estimer que mon propos est nul et non avenu.
Alexandra Sereni