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CHRONIQUE MEDITERRANEENNE

mercredi 26 janvier 2011, par Journal de la Corse

La véritable décolonisation commence au Maghreb

Les années soixante n’avaient signifié pour le Maghreb qu’une décolonisation en trompe-l’œil. Au Maroc, le roi Hassan II avait continué de régner, en Tunisie l’inamovible Bourguiba avait pris le pouvoir remplacé par son dauphin Ben Ali, tandis qu’en Algérie une camarilla de généraux issu de l’armée des frontières prenait le pouvoir confisquant notamment la manne financière occasionnée par les ressources énergétiques du pays. En définitive la colonisation avait laissé la place à des dictatures aujourd’hui ébranlées par la révolution tunisienne.

Les bourreaux à l’arrêt

La révolution tunisienne a provoqué, comme c’est souvent le cas en pareille situation, la fuite ou l’arrestation des piliers du régime. Le président Ben Ali, hier fêté par le président Sarkozy a pris la fuite, rejeté désormais par tous qui hier ne juraient que par lui. Le général Ali Sériati, l’ex-chef de la sécurité du président Ben Ali, accusé par la justice hier aux ordres, d’être à l’origine des exactions contre la population commises par les milices, a été interpellé, alors qu’il tentait de fuir le pays. Signe des temps, des milliers de touristes tentent de quitter la Tunisie. Le paquebot Danielle Casanova de la SNCM mouille dans le port de Tunis où les files d’attentes de véhicules s’étirent le long des quais d’embarquement. Même affluence à l’aéroport. Rappelons que la Tunisie était l’un des lieux de villégiature des Français moyens mais également des bobos à commencer par le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand. Il y a peu de chances que tous les piliers de l’ancien régime paient leurs exactions. Que deviendrait la Tunisie sans eux ? Mais la révolution va en tous les cas sacrifier les plus voyants d’entre eux ? Quant à la France, elle risque fort d’être au premier rang des pays qui ont soutenus le régime dictatorial de Ben Ali. Il y a quelques mois le président Sarkozy rendait visite à « son ami » pour louer ses progrès en matière de droits de l’homme. Désormais Ben Ali est personne non grata, tout comme l’est d’ailleurs mais de façon plus intime l’ancien ministre Woerth ou l’« ami » Servier, le fabricant du médicament tueur, le Mediator, dont Nicolas Sarkozy était l’avocat avant de devenir le premier des Français.

La spéculation sur les matières premières

La révolution tunisienne a d’abord été provoquée par le renchérissement de la vie et la spéculation mondiale sur les matières premières. Les premières émeutes ont été causées par le suicide d’un étudiant qui tentait de payer ses études en vendant des fruits et légumes sur les marchés. Sa marchandise avait été confisquée par la police d’où son geste désespéré. C’est donc toute la politique économique de la dictature qui a été mise en exergue par des populations furieuses de constater que le régime profitait largement d’une crise dont souffrait le peuple entier. Or les émeutes avaient gagné l’Algérie où les problèmes sont identiques. Et il ne fait aucun doute que le Maroc va être à son tour contaminé. Cette révolution est dans la droite ligne de la décolonisation. Les peuples du Maghreb se soulèvent contre des régimes qui ont perpétué l’injustice coloniale. Une minorité infime a confisqué les richesses immenses du nord de l’Afrique. D’ailleurs le grotesque Kadhafi ne s’y est pas trompé regrettant la chute de son ami Ben Ali. Il est en tous les cas évident que la révolution tunisienne va avoir des répercussions dans l’Afrique tout entière voire dans le monde. Ses effets seront à ajouter à ceux de la crise ivoirienne mais aussi aux progrès des radicaux islamistes en Afrique noire. Le défi est immense et le président Sarkozy qui disait vouloir en finir avec la Françafrique a du souci à se faire. C’est aussi un signal envoyé aux spéculateurs boursiers : on ne peu pas impunément jouer avec les denrées essentielles pour les êtres humains. Quant à nous autres Corses, nous devrions être éclaboussés par les effets secondaires subis par la SNCM au Maghreb et les biens de nos concitoyens en Tunisie mais aussi au Maroc. Mais il est vrai que les politiques économiques ont la nuque souple et savent s’adapter à toutes les convulsions de l’humanité.

GXC

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