Cécile Duflot, toute nouvelle ministre de l’Égalité des Territoires et du Logement, n’en finit pas de créer la polémique. Après son jean en guise de costume d’inauguration du conseil des ministres, la voilà qui divise la France sur la question de la dépénalisation du cannabis. Cette question des drogues douces est un marronnier, qui n’a pas vraiment de saison, mais qui n’en demeure pas moins un sujet sans consensus. L’agitation médiatique ne lève pas le statu quo sur cette question.
La question qui divise
Le vieux clivage droite-gauche s’illustre très bien sur la question des drogues douces : les sympathisants de gauche sont favorables à 59% à une dépénalisation du cannabis tandis que les partisans de droite y sont opposés à 82%. Il y a un an, un rapport du socialiste Daniel Vaillant jetait un pavé dans la mare, ou plutôt un rapport explosif sur le bureau du groupe socialiste à l’Assemblée, en proposant « la légalisation contrôlée du cannabis », plaçant cette drogue au même niveau que l’alcool et le tabac. La loi sur la drogue en France date du 31 décembre 1970 ; elle punit sans distinction d’usage et trafic de toute substance illicite, de la plus dure à la plus douce. Un amalgame que d’aucuns jugent dangereux, voire hypocrite. Un faux débat en somme, qui a au moins l’avantage de replacer chacun dans son camp et de mobiliser ses sympathisants.
Rapports et contre rapports
Outre le rapport de Daniel Vaillant, d’autres avaient déjà agité le poulailler et les ministères. Comme celui d’Henrion en 1995 qui proposait de dépénaliser l’usage et la détention de faibles quantités de cannabis. Même la Mildt (mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie) n’a pas réussi à dépassionner le débat. Pareil pour l’Observatoire des drogues et des toxicomanies (OEDT), qui a publié en 2010 des chiffres édifiants : 13 millions de Français de 15-64 ans ont déjà fumé du cannabis (et ¼ des européens adultes) ; 550.000 fument du cannabis au quotidien ; 70% des Français sont opposés à sa légalisation. Selon les données de l’analyse régionale ESCAPAD 2005 (OFDT 2007), les niveaux d’usage du cannabis en Corse pour les jeunes de 17 ans apparaissent inférieurs à ceux observés sur le continent : 24% des jeunes interrogés déclaraient avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie, et 2% en faisaient un usage régulier. Si l’on en croit le rapport de l’OEDT, « la principale raison de la hausse de la consommation de drogues s’explique, en partie, par la baisse de leur prix qui a dans certains cas chuté de 50% entre 2001 et 2006 : résine de cannabis (19%), marijuana (12%), cocaïne (22%), héroïne (45%), amphétamines (20%), ecstasy (47%) ». En juin dernier, le rapport de la Commission mondiale sur la politique des drogues constatait l’échec de la guerre contre la drogue et préconisait la dépénalisation du cannabis. Ferme opposition à cette proposition pour les académies de médecine et de pharmacie en France pour qui le cannabis « n’est pas une drogue douce et constitue un danger public ». Aujourd’hui, l’Europe aussi s’en mêle, sans trancher. Avec des expériences menées ça et là. Exemple au Portugal où l’usage des drogues a été dépénalisé il y a dix ans, considérant les toxicos non plus comme des criminels mais comme des malades. Une politique qui a fini par porter ses fruits puisque la consommation n’a pas explosé, que la mortalité a reculé, et que la prévention et le soin se sont améliorés. Des positions multiples et des avis tout azimut qui ne règlent pas la question, loin s’en faut.
Prohibition toute
Les partisans estiment que la dépénalisation permettrait la mise en place d’une réglementation pacifique et améliorerait les actions de prévention de la toxicomanie. Les détracteurs arguent que légaliser la consommation, la production et le commerce des drogues douces remettrait en cause la santé publique et augmenterait la criminalité. Pour l’instant, la France a opté pour la prudence sur la question de la santé publique : législation prohibitionniste. Et la lecture des faits divers montre que l’on ne rigole pas avec la question. Comme pour ce quinquagénaire de Castagniccia qui s’est fait prendre en flagrant délit de culture l’an passé. Ou le récent démantèlement d’un trafic de cannabis organisé depuis la prison de Borgo. Tolérance zéro, tous au même niveau. Le pétard continue de faire pschit.
Maria Mariana