Alors que le prix des cigarettes n’en finit pas de grimper, sans provoquer plus d’émoi qu’un feu de paille, la consommation ne fléchit pas. Malgré les campagnes de prévention, en dépit des contraintes de plus en plus fortes qui pèsent sur les fumeurs dans les lieux publics partout en Occident, la clope fait de la résistance. La lutte contre le tabagisme doit trouver son public.
Santé publique
Le tabac est un problème de santé publique majeur avec une incidence en termes de morbidité et de mortalité. Ce qui justifie les augmentations du prix, le tabac étant directement responsable de maladies et qu’une partie des taxes est reversée à la Sécu. Le tabac fait environ 6 millions de morts par an, dans le monde, principalement par cancers, maladies cardiaques, accidents vasculaires cérébraux et broncho-pneumopathies chroniques obstructives. En Corse, le taux de cancer des poumons lié au tabac est très nettement supérieur à la moyenne nationale, sans doute en raison de facteurs aggravants liés à la spécificité environnementale de l’île, qui possède un sous-sol granitique, riche en thorium et en uranium, qui sont responsables d’une radioactivité naturelle importante. Sans entrer dans des précisions géologiques trop compliquées pour les néophytes, il a été établi que l’exposition au radon combinée au tabagisme peut multiplier par 17 le risque de formation d’une tumeur maligne dans les voies respiratoires. La Corse-du-Sud est plus exposée au radon que la Haute-Corse, qui elle a plus d’amiante, dont les particules en suspension dans l’air sont cancérigènes, ce qui renforce le risque de cancer chez les fumeurs. Sans être alarmiste, ce sont des facteurs à prendre en considération, et sur lesquels les médecins sont sensibilisés. Reste à ce que les populations le soient aussi.
Prévention massive
Certes, le lobby anti-tabac peut s’enorgueillir de quelques victoires, comme l’interdiction de fumer dans les lieux publics et de travail, dans les cafés et les restaurants, l’interdiction de vente aux mineurs, ce qui a nettement contribué à réduire la consommation du tabac, du moins dans les pays riches. La volonté est de diminuer la consommation tabagique et le tabagisme passif (cause de 3 000 décès par an en France), notamment auprès des jeunes, des femmes enceintes, des personnes atteintes de maladies respiratoires chroniques et des populations précaires. En effet, des études ont révélé que les populations les plus touchées par le tabagisme étaient les plus pauvres : le taux de production et de consommation de cigarettes dans les pays en voie de développement augmentent de près de 1% par an (Chine, Inde, Indonésie sont les pays où résident près de la moitié des fumeurs hommes de la planète). L’Organisation mondiale de la santé a adopté la convention-cadre de lutte contre le tabac (FCTC), et les 168 pays signataires se sont engagés à prendre toute une série de mesures pour réduire les effets néfastes du tabac. Las ! Malgré les campagnes menées, le bilan est mitigé, car l’aide au sevrage et les substituts nicotiniques prennent moins bien que le tabac, toujours populaire.
Pas facile d’arrêter
En Corse, il apparaît que la région compte le double de débits de tabac pour 10 000 habitants par rapport à la moyenne nationale. En outre, un tarif préférentiel est appliqué au tabac, où le prix des paquets reste 25% moins cher que sur le continent. Un régime fiscal dérogatoire qui remonte à deux siècles et fait l’objet d’une lutte à chaque augmentation des prix du tabac car les conséquences d’un rééchelonnement des prix avec le continent seraient désastreuses : baisse de 50% du chiffre d’affaires des buralistes fermeture de points de vente, marché noir... Une dérogation qui devra être renégociée en 2015. Le prix du tabac n’est pas le seul à faire l’objet de lutte, il y a aussi la Loi Evin, difficilement appliquée partout en France, malgré les amendes et autres mesures dissuasives. Et chacun le sait, il n’y a pas de fumée sans feu... Puissance dont dispose les fabricants de tabac, et contre laquelle les 7,9 millions d’euros annuels pour la communication de l’Inpes pèsent peu. Et puis la cigarette est aussi considérée comme un plaisir, qui serait remplacée par quoi ? Fumer en culpabilisant… Un coup fumant pour les laboratoires pharmaceutiques.
Maria Mariana