Bernard-Henri Levy, invité à commenter les récents assassinats en Corse, a proposé pour régler la question de la violence insulaire de boycotter le tourisme insulaire. C’est à l’évidence une imbécillité qu’il conviendrait de traiter comme il le convient : par le mépris et le silence. Or cette turlupinade a soulevé une vague de protestation.
Le bazar de l’hôtel du livre
BHL a un avis sur tout. Qu’on lui parle d’un vague conflit aux confins du Balouchistan et il posera aussitôt un diagnostic et annoncera un remède souverain. L’homme est richissime par héritage. Il possède entre autres propriétés le plus beau palais de Marrakech et on ne l’a guère entendu dénoncer les injustices marocaines dont il s’accommodait fort bien (tout comme d’ailleurs nombre de nos aristocrates roturiers de gauche comme de droite). Il a tout de même fallu quelques émeutes pour que notre Malraux de bazar s’aperçoive que ce pays n’était pas un sanctuaire démocratique. Dernier « coup » en date de l’homme à la chemise blanche : l’intervention en Libye. Soudainement écouté par le président de République, BHL a été l’instigateur des frappes de l’ONU sur une Libye qui, selon ses pronostics, devait donner le pouvoir au peuple en quelques jours. La réalité est tout autre puisque, outrepassant son mandat, l’ONU relayé par l’OTAN en est à bombarder la population civile de la capitale et que le dictateur Kadhafi n’a toujours pas cédé. C’est dire si le personnage est fiable. Il est à la politique et à la philosophie ce que Mireille Mathieu est à la grande musique.
La Corse et lui
Pour BHL, la Corse est dotée de paysages admirables et d’un peuple qui l’est beaucoup moins. Se référant à un article critiquable du quotidien Le Monde, il a déclaré : « Si la Corse c’est la Sicile, puissance dix, il faut donner un coup d’arrêt pour que cette minorité de l’île, ces gangsters qui font la loi et qui transforment les politiques en marionnettes, comprennent qu’on ne peut pas jouer sur les deux tableaux ». Il faut dire qu’ à l’occasion de l’assassinat de Marie Jeanne Bozzi, le socialiste Vincent Carlotti avait notamment expliqué qu’en Sicile « la mafia détenait les rênes de l’économie », alors qu’en Corse « elle était au cœur du pouvoir politique » propos tellement outranciers qu’ils en deviennent dérisoires. Ne parvenant pas à avouer son ignorance pour ce qui concerne la Corse, BHL a alors proposé que les touristes, soudain dotés d’une conscience politique, boycottent la Corse afin, semble-t-il, de mieux combattre la voyoucratie. On croit rêver. Pourquoi alors ne pas tout simplement jeter l’embargo sur 90% des 165 pays de la planète qui peu ou prou foulent aux pieds les simples droits démocratiques ? Pourquoi la Corse ? La France elle-même est d’ailleurs elles aussi une mauvaise élève en matière d’honnêteté si on en croit l’organisme indépendant International Transparency qui la classe au 25e rang mondial, chaque année la voyant régresser. Bref, une fois de plus BHL se vautre dans le grotesque et ne montre strictement aucune considération pour les premières victimes du grand banditisme local : les Corses eux-mêmes. Mais alors pourquoi donner une telle importance à ce Gribouille en protestant de tous côtés ?
Ignorer l’ignorant
Dans un autre ordre, lors de la parution du film Le prophète bon nombre de nos compatriotes avaient tenté de réexister en protestant contre un film…qu’ils n’avaient pas vu. Car certains d’entre nous se sont spécialisés dans le victimisme. Car en y réfléchissant bien quelle importance faut-il accorder aux propos d’un philosophe autoproclamé et vieillissant ? Aucun. Il est évident que les touristes n’attendent pas l’avis de BHL pour choisir leur destination. Sa parole est nulle parce que non advenue. Il ne connaît rien de la Corse et d’ailleurs ne s’y intéresse pas sinon pour se rendre intéressant. Mieux vaudrait donc ignorer l’ignorant et boycotter le prédicateur de bazar. Pour ma part, j’avoue être totalement insensible à ce type d’imprécations et en avoir un peu assez de voir se lever le chœur des pleureuses indigènes dès lors qu’un bouffon continental ou l’un de nos nègres blancs s’obstinent à cracher sur la Corse. Le silence serait le pire de leur châtiment. Mettons plutôt toute notre énergie à corriger nos défauts qui, avouons-le entre nous, sont grands.
Gabriel Xavier Culioli