S’il advient que le NIMBY révèle des égoïsmes ou des situations créant des préjudices difficilement supportables, il arrive aussi qu’il relève d’oppositions suscitées par la crainte irraisonnée de voir évoluer un cadre de vie.
Bastia est gagnée d’une fièvre contestataire. Les uns s’opposent à la réalisation d’une route. Les autres s’insurgent contre le projet de requalification d’un quartier ancien. La résistance s’organise contre l’implantation de populations pauvres à proximité de coquettes villas. Des riverains tempêtent contre les nuisances qu’occasionne le monde de la nuit. Des propriétaires dénoncent la construction d’un hôtel au prétexte qu’elle cacherait la vue sur la mer depuis leurs fenêtres. Il est certain que des habitants se sentent concernés par la vie de la cité et s’investissent pour exposer des doléances légitimes ou proposer des solutions raisonnables. Il est avéré que la municipalité bastiaise, qui ne démérite guère en matière de réalisations, n’excelle pas toujours en matière de concertation. Enfin, il est probable qu’un activisme politique pousse à amplifier, structurer et médiatiser les mécontentements. Cependant, je soupçonne le NIMBY (Not in my backyard, Pas dans mon jardin) - phénomène d’opposition de populations riveraines à toute implantation ou extension d’équipements ou activités – de représenter la cause majeure de la multiplication des refus et des colères. Les uns le jugent positivement. Ils y décèlent l’émergence d’une citoyenneté active, le souci d’un environnement préservé et l’exigence d’une qualité du cadre de vie. Les autres le condamnent. Ils y voient la manifestation d’un individualisme et un refus d’assumer les contraintes propres à toute vie sociale. A mon sens, il convient de ne pas le considérer selon une vision manichéenne. S’il advient qu’il révèle des égoïsmes ou des situations créant des préjudices difficilement supportables, il arrive aussi qu’il relève d’oppositions suscitées par la crainte irraisonnée de voir évoluer un cadre de vie. Comme ce fut le cas, il y a quelques années, lors du réaménagement de la rue César Campinchi.
Le NIMBY de la rue César Campinchi
Au début du mois, les villageois sont venus par car, faisaient la prospérité des restaurants et des commerces de cette artère bastiaise. Un jour, les cars ne sont plus venus, la démocratisation de l’automobile ayant réduit la nécessité de recourir à ce mode transport. Alors les villageois se faisant rares, des restaurants et des boutiques ont fermé. Puis l’automobile est devenue envahissante et invivable. Rue César Campinchi, les automobilistes avançait par à coups sur fond de concert d’avertisseurs et d’invectives. Une fois la journée avancée, ils ne pouvaient même plus stationner quelques minutes sans occasionner de gêne. Les commerçants se plaignaient, assurant que le stationnement anarchique et la circulation paralysée, mais également des trottoirs étroits au pavement inégal dissuadaient le client de s’aventurer dans leur rue Les riverains se lamentaient car les pots d’échappement asphyxiants, les klaxons vociférants et les carrosseries à perte de vue n’avaient rien d’engageant, et représentaient autant de facteurs de dépréciation des appartements. Pour remédier à tout cela, la municipalité a proposé un plan mettant en cohérence une offre de places de parking à proximité, une desserte de la rue par un minibus navette, une dynamisation du stationnement et de la circulation, un élargissement et un repavement des trottoirs, la plantation d’arbres. Or, il s’est alors trouvé un comité pour dénoncer ce plan. Il a depuis disparu et ceux qui s’en réclamaient, se gardent bien de rappeler à leurs concitoyens qu’ils en étaient et étaient habités par le NIMBY. Cela se comprend car, rue César Campinchi, c’est presque le Paradis. Les restaurants et les boutiques revivent. Le soir venu, les terrasses de bars accueillent les amateurs d’After work. Les passants déambulent sur des trottoirs repavés et élargis. Grâce aux arrêts-minutes, les automobilistes s’arrêtent quelques instants pour effectuer des achats. Enfin, les riverains apprécient un environnement où l’arbre a refait son apparition et où une circulation automobile plus fluide occasionne moins de bruit et de rejets polluants.
Alexandre Sereni