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Assises du foncier

jeudi 12 mai 2011, par Journal de la Corse

Le jeu reste ouvert

D’ateliers de réflexion en réunions plénières, après plus de cinq mois de travaux et de débats, les Assises du foncier et du logement approchent du dénouement. A ce jour, difficile de prévoir ce qu’il sera.

Tout le monde ou presque est favorable à ce que les Corses retrouvent la maîtrise du sol et du bâti de leur île, et jouissent de la possibilité d’accéder à la propriété. Mais ce beau consensus est loin de conduire à des solutions partagées. Les libéraux, les nationalistes et la gauche ont chacun leur recette. Il ne sera pas facile d’aboutir à un compromis susceptible d’aboutir à une « union sacrée ».

La droite reste libérale

Du côté de l’UMP, l’heure n’est plus à la superbe ultra libérale. Le rejet d’un PADDUC qui faisait la part belle à l’économie résidentielle et au tout tourisme, ainsi que la déroute à l’occasion des Territoriales, ont conduit à une révision des prises de position. Par exemple, il n’est plus question de claironner, comme l’avait fait Camille de Rocca Serra, qu’il conviendrait d’assouplir la Loi littoral. En outre, tout en affirmant rejeter des solutions idéologiques ou irréalistes, l’UMP ne ferme plus la porte à des solutions de régulation du marché. Ce qui la fait se prononcer pour le principe de « garantir l’accès des insulaires au logement. » Toutefois, il convient de considérer avec beaucoup de prudence ce repositionnement car, même s’il se fait plus rampant, le libéralisme reste très présent dans les préconisations avancées. D’abord, l’UMP rejette tout dispositif coercitif. Ensuite, à y regarder de plus près, il apparaît qu’elle reste convaincue que la loi du marché reste la meilleure méthode de déterminer la valeur d’un bien. Ainsi, pour lutter contre la hausse du prix du foncier, elle propose de remédier à sa rareté en accroissant l’offre par la réalisation de nouveaux programmes immobiliers. On est donc loin d’une régulation imposée et administrée par le pouvoir politique. On peut aussi ajouter que si l’on considère le volume important de la demande extérieure et les sommes que les acheteurs sont prêts à engager, la solution UMP risque de conduire à déposséder davantage encore les Corses de leur terre, sans leur donner plus de possibilités de devenir propriétaires.

Les nationalistes dégainent l’intérêt collectif corse

Côté nationaliste, le choix de la contrainte politique est clairement avancé. En proposant l’instauration du statut de résident, il s’agit de lier les objectifs moral, économique et social (limitation de la bulle spéculative, rejet de l’économie résidentielle et du tout tourisme, accession à la propriété pour les Corses), à ceux plus globaux de faire avancer la revendication d’un intérêt collectif corse. En réalité, assurer la pérennité du lien entre l’homme corse et sa terre, entre le peuple corse et son territoire historique, l’emporte sur toute autre considération. Le statut de résident doit avant tout permettre de favoriser l’accession à la propriété foncière aux individus qui constituent le peuple corse. A ceux qui font remarquer que contrecarrer la loi du marché, et réduire ainsi la capacité d’acheter d’une clientèle étrangère fortunée, empêchera des propriétaires corses de tirer parti de l’envolée des prix du foncier, les nationalistes opposent la nécessité de préserver le patrimoine collectif insulaire. Ils soulignent aussi leur détermination à déroger aux principes et règles de libre-échange et de libre concurrence que défend l’Europe communautaire. Selon eux, une politique foncière protectionniste est rendue nécessaire par le fait qu’à défaut d’agir en ce sens, la plupart des Corses ne pourront plus être propriétaires ou se loger décemment. Il faut cependant reconnaître que les critères proposés sont loin d’être draconiens et fermés : être résident nécessiterait soit dix ans de présence effective en Corse vérifiable par le domicile réel ou l’imposition sur le revenu en Corse, soit justifier d’une antériorité familiale (grand parents ou géniteurs ayant effectivement résidé en Corse).

La gauche reste partagée

Le statut de résident est aussi préconisé par la gauche. Mais le débat est ouvert entre deux options. Certains, tels Paul Giacobbi, semblent pencher pour un statut essentiellement fondé sur une résidence effective. « Il faut rendre impossible aux non-résidents de la Corse d’acheter » a affirmé le président du Conseil exécutif. D’autres, comme la conseillère exécutive apparentée communiste Maria Guidicelli, défendent l’idée que la fiscalité et l’action sociale sont les outils idoines pour réguler le marché immobilier et permettre aux Corses de se loger. En ce sens, l’intéressée martèle que les Assises du foncier ont pour objectif premier de favoriser l’accès au logement pour tous, en accroissant et diversifiant l’offre, en mettant l’accent sur le parc locatif à vocation sociale et en soutenant l’accession des jeunes ménages à la propriété. Concernant la maîtrise du foncier et la lutte contre la spéculation, elle n’envisage pas de réduire ou supprimer le droit des non corses à devenir propriétaires. « Ce serait discriminatoire » assure-t-elle. En revanche, elle penche pour une action fiscale locale qui consisterait en des dégrèvements en matière d’immobilier pour les populations résidentes et en une forte taxation pour celles qui résideraient de manière occasionnelle ou saisonnière. De longues heures de discussion en perspective, au sein de la majorité territoriale, quand approchera le jour de voter…

Pierre Corsi

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